• LES NAZIS N'ONT PAS PERDU LA GUERRE (métastases d'un cancer dans le monde)

    Après la Shoah, le Vatican et les "Alliés" ont aidé et protégé bon nombre de nazis (plusieurs milliers). Certains ont été aidés à fuir vers l'Amérique du Sud, d'autres vers le Moyen-Orient (en Egypte, en Irak et en Syrie). Ce qui a eu une influence déterminante sur la suite des évènements à l'encontre d'Israël. Des conséquences dont nous subissons aujourd'hui encore, les répercussions. Voici un petit aperçu de choses qui ne sont pas toujours connues du grand public :


    ALOI HUDAL

    En décembre 1944, le Secrétariat d'État du Vatican reçut la permission de désigner un représentant pour « visiter les internés civils germanophones en Italie », la tâche fut assignée à l’évêque catholique Alois Hudal, alors recteur du Pontifico Instituto Teutonico Santa Maria dell’Anima à Rome (un séminaire pour prêtres allemands et autrichiens), et Directeur Spirituel des Allemands résidant en Italie.

    Hudal se servit de cette position pour aider des criminels de guerre nazis à s’échapper. Parmi ces derniers figuraient Franz Stangl (commandant de Treblinka), Gustav Wagner (commandant de Sobibor), Alois Brunner (responsable du camp d’internement de Drancy près de Paris et en charge des déportations en Slovaquie à destination des camps de concentration allemands) et Adolf Eichmann (fonctionnaire de haut rang de l'Allemagne nazie et un membre des SS  (Schutzstaffel) au rang d'Obersturmbannführer (lieutenant-colonel), responsable de la logistique de la solution finale (Endlösung). Il organisa notamment l'identification des victimes de la solution finale et leur déportation vers les camps de concentration.) – un fait sur lequel il s’ouvrirait plus tard sans manifester de remords. D’autres Nazis cachés en Italie, s’adressèrent à Hudal lorsque son rôle dans l’aide aux fuyards fut connu des communautés nazies. Dans ses mémoires, Hudal écrivit au sujet de ses actions : "Je remercie Dieu qu’Il m’ait permis de visiter et de réconforter beaucoup de victimes dans leurs prisons et camps de concentration et de les avoir aidé à s’enfuir avec de faux papiers d’identité. (...) La guerre des Alliés contre l’Allemagne n’était pas une croisade, mais la rivalité des complexes économiques pour la victoire desquels ils avaient combattu. Ce prétendu business… utilisait des slogans tels que démocratie, race, liberté religieuse et christianisme comme appâts pour les masses. Toutes ces expériences furent la raison pour laquelle je sentis qu’il était de mon devoir après 1945 d’orienter mon travail de charité essentiellement vers les anciens Nazis et Fascistes, et plus particulièrement vers les soi-disant criminels de guerre. »

    Hudal fut le premier ecclésiastique catholique à organiser la mise en place de filières d’exfiltration. Aaron et Loftus affirment que Hudal fournissait aux nazis et aux fascistes de l’argent pour les aider à s’échapper et de faux documents incluant des papiers d’identité étaient délivrés par l’organisation du Vatican pour les réfugiés (Commissione Pontificia d’Assistenza).

    Ces documents du Vatican n'étaient pas des passeports mais permettaient d'en obtenir. Ils étaient, par exemple, utilisés afin d'obtenir un passeport de personne déplacée par la Croix Rouge Internationale (CRI), ce passeport permettait ensuite d'obtenir des visas. En principe, la CRI était censée effectuer des contrôles de vraisemblance sur les passeports des demandeurs, mais dans la pratique, la parole d’un représentant de l'église et particulièrement celle d’un évêque était considérée comme parole d’évangile.

    Selon des rapports déclassifiés des services de renseignement américains, Hudal ne fut pas le seul ecclésiastique apportant de l’aide au nazis à cette époque. Dans le rapport La Vista déclassifié en 1984, l’agent du Counter Intelligence Corps (CIC), Vincent La Vista, expliqua comment il avait facilement pu s’arranger pour que deux faux réfugiés hongrois puissent obtenir de faux documents du CRI au moyen d’une lettre rédigée par le Père Joseph Gallov. Gallov, qui gérait un organisme charitable, soutenu par le Vatican, au profit des réfugiés hongrois, écrivit une lettre à son « contact personnel à la Croix Rouge Internationale qui délivra alors les passeports » sans poser la moindre question.

     

    LA FILIERE SAN GIROLAMO

     

    La principale filière d’exfiltration nazie était gérée par un influent réseau de prêtres croates, membres de l’ordre des Franciscains, sous la direction du Père Krunoslav Draganović.

    Ce dernier avait organisé une filière très sophistiquée, dont le quartier général au séminaire San Girolamo degli Illirici à Rome, mais qui disposait de liens à partir de l’Autriche jusqu’au point final d’embarquement à Gênes. Au début, la filière se concentra sur l’aide aux membres du mouvement fasciste croate Oustachi.

    Aarons et Loftus précisent que les prêtres actifs dans la chaîne comprenaient le frère Vilim Cecelja, ancien Vicaire militaire détaché aux Oustachis, basé en Autriche où beaucoup de réfugiés Nazis et Oustachis restaient cachés, le frère Dragutin Kamber, basé à San Girolamo; le frère Dominic Mandic, dont on dit qu’il était un représentant officiel du Vatican à San Girolamo et aussi « Economiste Général » ou trésorier de l’ordre des Franciscains.

    Cecelja prenait contact avec ceux qui se cachaient en Autriche et les aidait à franchir la frontière italienne; Kamber, Mandic et Draganovic leur trouvaient un logement, souvent à l'intérieur même du monastère, pendant qu’ils se chargeaient de réunir les papiers nécessaires; Et pour finir, Draganovic téléphonait à Petranovic à Gênes pour lui communiquer le nombre de couchettes nécessaires sur des bateaux en partance pour l’Amérique du Sud .

    Les opérations de la filière Draganovic étaient un secret de polichinelle au sein de la communauté du renseignement et des cercles diplomatiques de Rome.

    Si les officiers des services de renseignement américains, au début, avaient été plutôt de simples observateurs de la filière Draganovic, cette situation allait bien vite changer dès l’été 1947.

    Article du Nouvel Observateur du 28 janvier 2004:

    "Quand l'Amérique Recrutait Des Officiers SS

     

    Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis savent qu'ils devront bientôt affronter le communisme en passe de conquérir la moitié de l'Europe. Dans cette nouvelle lutte à mort, tous les coups sont permis. Même le recours aux organisateurs de l'Holocauste. On savait que les relations entre les services secrets américains et l'appareil nazi étaient troubles. En scrutant les archives récemment ouvertes aux États-Unis,Vincent Jauvert a découvert l'incroyable ampleur de cette alliance contre nature : celle qui a conduit les hommes de Roosevelt et Truman, pour combattre Staline, à recruter les pires criminels de Hitler.

    Le février 1954, un officier du contre-espionnage de l'armée américaine écrit à propos d'un citoyen autrichien, un certain Hermann Höfle : " Le sujet est ponctuel et courtois. Il pourrait être pour nous un agent fiable (…) malgré son passé dans la SS et la Gestapo… " Dans la note adressée à ses supérieurs du CIC (Counter Intelligence Corps), l'Américain ne livre aucun détail sur le passé de ce Höfle, comme si cela n'était pas important. Pourtant, grâce aux archives biographiques des SS récupérées par l'US Army en 1945, il sait que sa future recrue, cet homme si " ponctuel et courtois ", fut l'un des pires bourreaux nazis – un des maîtres d'œuvre de l'Holocauste.

    En 1942, l'officier supérieur SS Hermann Höfle était en effet commandant adjoint de l'opération Reinhard : l'extermination de tous les juifs vivant en Pologne occupée. C'est Höfle qui a organisé le planning des déportations des juifs de Varsovie, Lublin, Radom, Cracovie et Lvov. C'est Höfle qui a supervisé la construction des camps de la mort de Sobibor, Treblinka et Belzec. C'est Höfle qui y a fait installer des chambres à gaz et des fours crématoires. Et c'est cet homme, poursuivi par la justice polonaise et qui a réussi à fuir pendant douze ans, que le CIC décide, en février 1954, de recruter sous le faux nom de Hans Hartman, moyennant un salaire de 100 deutschemarks par mois.

    La carrière américaine du nazi Höfle ne durera pas. Dès juin 1954, il sera remercié, non pas à cause de son passé mais parce que son rendement d'espion n'est pas bon. Relâché, seul, dans la nature, l'ancien SS sera finalement arrêté pour crimes de guerre en 1961 et se suicidera dans une prison de Vienne, avant d'avoir été jugé – et d'avoir révélé ses relations particulières avec le contre-espionnage de l'US Army.

    Combien de criminels nazis ont-ils été ainsi recrutés par les services secrets américains dans les années d'après-guerre ? Combien ont été aussi protégés, soustraits aux justices européennes et envoyés en Amérique du Sud par ces mêmes services ? Il y a eu, on le sait, Klaus Barbie (voir encadré ci-dessus), le chef de la Gestapo de Lyon, devenu agent du CIC de 1947 à 1951 en Bavière et " exfiltré " vers la Colombie afin qu'il échappe à la justice française. Quels sont les autres Barbie ?

    Pendant la guerre froide, les États-Unis n'ont jamais voulu répondre à ces questions (à part, contraints et forcés, sur Barbie). Ils entendaient couvrir les officiers impliqués, préserver l'image des libérateurs de l'Europe et, avant tout, priver Moscou d'un thème de propagande.

    Depuis la chute du mur de Berlin, Washington a commencé, sous la pression de multiples ONG et parlementaires, à reconnaître ses liens passés avec des serviteurs du Reich. En 1990, la CIA a ouvert les dossiers de l'opération secrète Paperclip, le recrutement de centaines de scientifiques allemands (dont Wernher von Braun, le père des V2 et du programme spatial américain). Bill Clinton est allé plus loin. En 1998, il fait voter une loi contraignant toutes les administrations, y compris les services secrets, à ouvrir l'ensemble de leurs archives sur les criminels de guerre nazis. L'opération doit être terminée en 2003.

    Des milliers de documents ont été rendus publics cette année. Certains mettent fin à de vieilles rumeurs concernant la prétendue collaboration de nazis célèbres avec la CIA. En particulier, il apparaît que le chef de la Gestapo, Heinrich Müller, qui a disparu quelques jours avant la capitulation du Reich, et dont la propagande soviétique avait fait un agent américain, n'a jamais été un collaborateur de la CIA, et qu'au contraire celle-ci a multiplié les efforts pour retrouver le criminel – en vain : Müller étant probablement mort dès mai 1945.

    D'autres découvertes dans les archives sont beaucoup moins flatteuses pour la CIA et ses prédécesseurs. Elles sont même atterrantes. Il s'agit du nombre de tortionnaires enrôlés, en parfaite connaissance de cause, par les services secrets de Washington. " Au total, il y eut au moins plusieurs dizaines de cas et peut-être plus de cent ", explique l'historien Richard Breitman, qui prépare un rapport sur le sujet pour le Congrès.

    Les premiers recrutements d'officiers allemands par les organes de renseignement de l'US Army commencent pendant la débâcle de la Wehrmacht au printemps 1945. L'armée américaine veut empêcher les dignitaires du Reich de fuir, et d'emporter leurs butins dans leur cavale. Des SS ou des hommes de la Gestapo vont dénoncer leurs anciens maîtres, révéler leur planque. À cette époque, cette compromission avec des nazis embarrasse quelques officiers traitants américains. L'un d'eux écrit en avril 1945 à propos d'une recrue : " X] est, évidemment, un homme dangereux (…). Pour éviter que l'on nous accuse de travailler avec un nazi réactionnaire , je crois que nous devons avoir avec cette source des contacts aussi indirects que possible ".

    Mais, en quelques mois, l'atmosphère change radicalement. C'est le début de la guerre froide. L'ennemi n'est plus l'Allemand défait mais l'ancien allié soviétique qui installe sa dictature dans les zones qu'il occupe et menace d'accroître ses conquêtes territoriales, vers l'Ouest. Dès le 1er mars 1946, le CIC décrète que la " cible principale " est désormais l'Union soviétique. Il lui faut connaître l'ordre de bataille de l'Armée rouge et du NKVD (l'ancêtre du KGB), la biographie de leurs responsables et leurs intentions. Il doit aussi infiltrer les partis communistes européens, chevaux de Troie de Moscou. Mais, sur ses alliés d'hier, le contre-espionnage américain est totalement démuni : il n'a ni informations ni informateurs. Les nazis ont dix ans d'avance. Depuis les années 1930, les espions du Reich ont tissé de vastes réseaux d'agents en terres staliniennes, ils ont constitué des milliers de dossiers. Les Américains décident de les enrôler en masse.

    L'un des responsables du CIC pour l' Europe, Richard Helms – qui deviendra patron de la CIA à la fin des années 1960 – écrit dans un mémorandum de septembre 1946 : " Il est de la plus urgente priorité de découvrir (…) tous ceux qui ont une expérience en matière de renseignement concernant la Russie et ceux qui pourront continuer ce même travail pour nous ". Dans cette note, Helms n'exclut personne, ni les nazis ni les SS, quel que soit leur passé.

    Les officiers allemands qui vont collaborer avec les Américains contre l'Union Soviétique ne sont pas tous des criminels de guerre. Ainsi, les anciens de l'Abwehr – le service de renseignement de l'armée allemande – ont souvent été des ennemis acharnés des SS, parfois même des opposants déclarés du régime. Ils n'ont, en général, pas participé directement aux massacres de civils (qu'ils ont néanmoins laissé faire). Le plus célèbre d'entre eux est le général Reinhard Gehlen, qui a dirigé l'Abwehr sur le front de l'Est et qui mettra son organisation au service des Américains dès juillet 1945, avant de devenir en 1956 le patron fondateur du BND (le service secret de l'Allemagne de l'Ouest) (voir encadré p. 23).

    Était-ce immoral de recruter ces Allemands-là, plus " propres " que beaucoup d'autres et si utiles dans la guerre secrète contre l'armée stalinienne ? Peut-être pas au tout début mais, d'après les archives, les Américains se sont vite aperçus que les réseaux utilisés par ces anciens de l'Abwehr, et réactivés au profit de l'US Army, comprenaient beaucoup d'ex-membres de la SS et de la Gestapo. Et ils n'ont pas fait grand-chose pour mettre un terme à ces collaborations déshonorantes (voir encadré).

    Le CIC a donc aussi recruté lui-même bon nombre de barbares, de tortionnaires, en n'ignorant rien de leur passé. Ainsi, le docteur Emil Augsburg, alias Alberti, alias Althaus, qui est enrôlé le 1er mai 1947. Sa fiche signalétique le décrit comme un homme grand (1,85 mètre), " albinos, qui fume énormément ". Il est présenté par ses officiers traitants comme un intellectuel " honnête, idéaliste, qui aime le vin et la bonne chère ", "un excellent scientifique antisoviétique " et " sans préjugés ". On ajoute qu'il était membre du parti nazi et capitaine SS. Pourquoi est-il recruté ? Parce qu'il est l'un des meilleurs experts du monde communiste. Il a dirigé l'institut Wannsee de Berlin, qui menait des études sur l'Europe orientale au profit du service d'espionnage des SS. Il a eu accès à tous les renseignements recueillis par les agents du Reich en Union soviétique. C'est une perle rare de l'antistalinisme.

    Mais la fiche mentionne aussi qu'Emil Augsburg est recherché pour crimes de guerre par la Pologne. Avant de rejoindre l'institut Wannsee, le bon docteur a fait partie, en 1940 et 1941, d'un Einsatz Kommando, qui menait en Pologne et en Russie des opérations dites " spéciales " : le massacre de juifs et autres personnes jugées indésirables par les nazis.

    Malgré ce terrifiant passé qu'elle connaît, l'US Army ne livrera pas Emil Augsburg à la justice polonaise. Et l'assassin travaillera pour les services américains jusqu'en 1956 (en dépit des réserves de son premier chef, un certain Klaus Barbie, qui craignait qu'Augsburg ne soit un agent double trahissant le CIC au profit des… Français). Finalement Augsburg rejoindra le BND qui l'emploiera pendant dix ans, jusqu'en 1966.

    Autre exemple de cette collusion si longtemps niée : le major SS Wilhelm Höttl recruté en 1948. Lui aussi fut un artisan zélé de la Shoah. À la fin de la guerre, il était le conseiller politique du représentant de Hitler à Budapest. En mai et juin 1944, il a participé à la déportation de 440000 juifs hongrois vers le camp d'Auschwitz. Arrêté en 1945 par les Américains, il témoigne au procès de Nuremberg. C'est lui qui livre le premier " chiffrage " de l'Holocauste. À la barre du tribunal, il déclare : " À la fin du mois d'août 1944, Eichmann m'a dit que, dans différents camps d'extermination, approximativement 4 millions de juifs ont été tués et que 2 autres millions ont été liquidés d'autres façons. Il a ajouté que ce chiffre était un secret d'État ".

    Confident d'Eichmann, cet Höttl est un monstre, mais c'est aussi un spécialiste de l'implantation communiste en Europe du Sud-Est. Il est donc libéré en 1947 par l'US Army et rejoint le bureau du CIC de Vienne. Son embauche ne fait pas l'unanimité parmi les officiers. L'un d'eux écrit dans une note : " Si elle venait à être révélée utilisation de Höttl serait incompréhensible pour tous les Allemands et Autrichiens "propres" ". Mais les manœuvres soviétiques balaient toutes réserves morales. En 1948, c'est le coup de Prague et le blocus de Berlin. Dans sa guerre de l'ombre contre Staline, Washington est prêt à employer n'importe qui, y compris un Wilhelm Höttl.

    à l'ancien major SS, le CIC de Vienne confie la direction de deux réseaux de renseignement. Le premier – nom de code “Mont Vermont” – est chargé d'espionner la zone d'occupation russe de l'Autriche. Il est composé d'une vingtaine de sources; parmi elles, “Edi” et “Walter”, deux anciens lieutenants SS. Le second réseau – nom de code “Montgomery” – doit infiltrer les forces russes installées en Hongrie. L'adjoint de Höttl pour cette opération est un Hongrois fanatique et tortionnaire, un certain Karoly Ney, qui a créé un détachement SS dans son pays. Il sera remplacé par autre ancien SS, Erich Kernmayer, qui a pris, pendant la guerre, la direction de journaux viennois " aryanisés " (spoliés à leurs propriétaires juifs).

    Höttl est remercié un an plus tard par le CIC pour mauvais résultats, mais il est réembauché sur-le-champ par la toute jeune CIA, via l'organisation du général Gehlen (voir encadré p. 23). De l'agence américaine, Höttl recevra 600 deutschemarks par mois jusqu'en 1954, avant que la CIA ne décide, à son tour, de se séparer de l'encombrant personnage, déclaré " escroc du renseignement ". Mais le criminel a des ressources. Pendant la guerre, il a volé de multiples biens " aryanisés ", notamment des bijoux. Grâce à une petite fortune ainsi accumulée, il montera une maison d'édition à Vienne, où il mourra en… 1997, sans jamais avoir été inquiété.

    Il y a d'autres cas nauséabonds. En décembre 1947, alors que les Occidentaux craignent de voir le Parti communiste prendre le pouvoir en Italie, le CIC confie à l'ancien major SS Karl Haas un réseau d'espionnage à Rome dont le nom de code est “Los Angeles”. Haas et ses agents ont pour mission d' " obtenir des informations sur les activités et les personnalités du PCI et établir la liste des éléments communistes les plus dangereux ". Qui sont les sources de Haas, stipendiées par l'armée américaine ? Des " dignitaires du Vatican " (dont le chef du service de presse), mais aussi deux anciens responsables de l'organisation chargée par Mussolini d'assassiner les antifascistes italiens ainsi que " des membres d'un mouvement néofasciste clandestin ".

    En 1948, le CIC de Rome envisage d'élargir ce réseau “Los Angeles” et d'installer un agent permanent à Palerme. Dans une note, un officier américain justifie ainsi ce projet : dans la capitale sicilienne, écrit-il, un " ancien du SD affirme être en contact direct avec le bandit Giuliano et sa bande. pourraient réaliser pour nous des missions spéciales clandestines [autrement dit, des meurtres]. Cela ne nous que coûterait 200 dollars par mois ". Giuliano a-t-il effectivement été enrôlé par le CIC ? Les archives ne le disent pas encore.

    De même, elles livrent peu de détails inédits sur la fuite des criminels de guerre en Amérique latine. Seule une note secrète de la CIA datée du 3 avril 1950 rapporte avec précision les conditions de vie des fuyards du IIIe Reich en Bolivie : " Entre 1200 et 1800 anciens nazis qui ont émigré vers l'Amérique du Sud après 1946, et quelques-unes de leurs épouses, vivent dans de petites implantations situées le long des vallées du rio Madidi et du rio Beni dans le nord-ouest de la Bolivie (…). Cette colonie s'étend sur environ 15 kilomètres sur les rives des deux fleuves ". Le mémo ajoute : " Chaque implantation possède au moins deux mitrailleuses (soit 500 au total), un nombre considérable d'armes légères de fabrication allemande et une grande quantité de munitions (…). Tous parlent très mal l'espagnol ".

    Combien ont été amenés dans cette colonie par les services américains? Mystère. Les dossiers déclassifiés n'apportent rien de neuf sur la fameuse opération Rat Line, l'exfiltration en Amérique latine de certains agents menacés, opération mise au jour, en 1983, dans un rapport explosif du ministère américain de la Justice décrivant les liens entre la CIA et Klaus Barbie. À part " le boucher de Lyon ", combien d'autres tortionnaires ont-ils bénéficié de ce canal clandestin, organisé, de Rome, par le prêtre oustachi Krunoslav Draganovitch (voir encadré) et financé par l'US Army ? On ne le saura sans doute jamais. Le principal " client " américain de la Rat Line, le major James Milano du CIC, a récemment publié ses Mémoires (Soldiers, Spies & the Rat Line, Brassey's, 1995). Il y explique que presque tous les documents liés à cette opération ont été volontairement détruits. Et, dans son livre, il ne décrit que des cas de " défecteurs " de l'armée soviétique passés à l'Ouest, puis envoyés, via la Rat Line, en Argentine. Il nie s'être occupé de nazis – à part Klaus Barbie. Dit-il la vérité ?

    Beaucoup de criminels de guerre ont fui grâce à l'autre fameux réseau d'exfiltration monté par d'anciens SS : Odessa. Y avait-il des liens entre les services américains et Odessa, comme cela a été souvent dit? Les documents désormais accessibles ne le disent pas. Mais tout n'est pas encore ouvert. " Sur certains sujets, la CIA traîne les pieds ", explique Richard Breitman. " Elle applique la loi de 1998 de manière restrictive. Nous essayons de la convaincre d'être plus transparente encore ".

    Quoi qu'il en soit, en ouvrant un grand nombre des dossiers secrets de la guerre froide, l'Amérique a montré sa face hideuse mais aussi son attachement à la transparence démocratique. Quelle autre nation ose mettre sur la place publique les preuves de ses compromissions ? Aucune. Ni la Grande-Bretagne, ni la Russie, ni… la France. Ces pays se sont-ils mieux comportés que les Etats-Unis ? Rien n'est moins sûr : le Sdece, le MI6 et le KGB ont, eux aussi, recruté bon nombre d'anciens SS et bourreaux de la Gestapo. Mais eux ne l'avouent pas. Il faut dire qu'à Paris, Londres et Moscou personne ne les y invite, ni les parlementaires ni les opinions publiques. En la matière, il y a un modèle américain."

     

    Entre 1948 et 1951 des milliers  de nazis rejoignirent l'Irak, la Syrie et surtout l'Égypte où ils ont mené des activités relatives à la politique et à la sécurité.

    L’historien Kurt Tauber a décrit, en 1967, la situation qui était celle de l’Egypte de Nasser : «… En plus des dons de la Gestapo et de la SS, il y avait aussi un grand besoin d’autres aptitudes sur le Nil. On nous dit que d’anciennes recrues de Goebbels, initialement sous la supervision du défunt Johann von Leers, jouent un rôle important dans l’appareil de propagande antijuif et antisioniste de Nasser. A ce propos, nous entendons les noms de Werner Witschale, du Baron von Harder, de Hans Appler et de Franz Buensche. Mais un passé d’agent de la Gestapo, de la SS et des services d’espionnage n’empêche pas d’accéder à des carrières attractives au ministère égyptien de la propagande. Walter Bollmann, chef nazi des services d’espionnage en Grande-Bretagne avant la guerre, et plus tard, commandant SS, a servi dans la lutte contre la guérilla et les opérations antijuives en Ukraine ; Louis Heiden, officier SS qui fut transféré au bureau de presse égyptien durant la guerre, Franz Bartel, "vieux combattant" et officier dans la Gestapo ; Werner Birgel, officier SS de Leipzig ; Albert Thielemann, dirigeant SS en Bohème ; Erich Bunz, Major dans la SA et expert dans la question juive ; et le capitaine SS Wilhelm Boeckler, qui participa à la liquidation du Ghetto de Varsovie – sont tous réputés s’être occupés de propagande antijuive pour le compte de Nasser… »

    A ce sujet, le cas de Johann von Leers est exemplaire. Membre dirigeant de la NSDAP à la fin de 1929, colonel SS, rédacteur de Der Angriff, auteur de différentes études d'anthropologie, le professeur d'université von Leers fut l'intime collaborateur de Joseph Goebbels, lequel lui confia la direction du Nordische Welt, organe de la Société pour la préhistoire et la protohistoire germanique. Après dix-huit mois d'internement dans un Lager anglo-américain, Von Leers réussit à fuir en Argentine où il dirigea un journal germanophone. A la chute de Péron, il se mit à l'abri en Égypte où il se convertit à l'islam et prit le nom de Omar Amin. Il créa, au Caire, l'Institut de recherche sur le sionisme, dirigea des émissions radiophoniques écoutées dans tout le monde arabe, prit en charge une importante collection de textes islamiques destinés au public allemand et donna vie à diverses initiatives éditoriales et de propagande. En Égypte, von Leers devint un ami proche de l’ancien Mufti de Jérusalem, Muhamad Hadj Amîn al-Husaynî.

    En Egypte, d'autres nazis, à part lui, devinrent musulmans et exercèrent des fonctions d'un certain niveau dans l'Etat égyptien. Entre autres exemples Joachim Daeumling, ex-chef de la Gestapo de Düsseldorf, qui réorganisa les forces de police en Egypte sous la responsabilité d'Otto Skorzeny (officier de commando allemand surtout connu pour ses missions audacieuses réalisées lors de la Seconde Guerre mondiale pour le compte d'Adolf Hitler), William Boeckler (Abd el-Karîm), ex-capitaine de la Gestapo, qui assuma une charge au service d'information, Wilhem Berner qui entraîna les fedayin palestiniens, Gruppenführer A Moser (Hasan Suleymâm), qui occupa un poste d’instructeur militaire, l'ex-commandant de la garde du corps de Hitler Léopold Gleim (an-Nâsir), qui alla former les cadres des services de sécurité, Louis Heiden (al-Hâj), ex-membre de l'Office central de sécurité du Reich, qui traduisit Mein Kampf en arabe.


     


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