• Theodore Herzl (1860-1904)

     


     

    Le père du sionisme politique moderne

    Herzl considérait que l’antisémitisme était une donnée immuable, bien ancrée dans la société humaine et non résorbée par l’assimilation. Il réfléchit à l’idée d’une souveraineté juive. Il y soutenait que le problème juif n’était pas d’ordre individuel, mais national. Il déclara que les Juifs ne pourraient être acceptés dans le monde qu’en cessant d’être une anomalie nationale.

    L’université, première confrontation avec l’antisémitisme :

    Théodore (Binyamin Zeev) Herzl est né à Budapest en 1860. Elevé dans l’esprit des Lumières judéo-allemandes de l’époque, il apprit à apprécier la culture laïque. En 1878, sa famille s’installa à Vienne et, en 1884, Herzl obtint son doctorat en droit, décerné par l’Université de Vienne. Il entama une carrière d’écrivain, d’auteur dramatique et de journaliste, et devint le correspondant à Paris du Neue Freie Presse, le journal libéral le plus influent de Vienne.

    C’est à l’université de Vienne, en 1882, qu’Herzl rencontra pour la première fois l’antisémitisme qui allait déterminer sa vie, ainsi que le sort des Juifs au XXe siècle. Par la suite, pendant son séjour à Paris en tant que journaliste, il fut directement confronté à ce problème. A l’époque, il considérait le problème juif comme une question sociale et écrivit une pièce de théâtre intitulée Le ghetto (1894) dans laquelle les solutions de l’assimilation et de la conversion étaient l’une et l’autre rejetées. Il espérait que Le ghetto conduirait à un débat et, en fin de compte, à une solution fondée sur la tolérance et le respect mutuels entre chrétiens et juifs.

    L’affaire Dreyfus à la genèse du sionisme politique :

    En 1894, le capitaine Alfred Dreyfus, un officier juif de l’armée française, fut accusé à tort de trahison, à la suite de fausses lettres compromettantes fabriquées par un général antisémite protégé par sa hiérarchie.

    Observant les foules hurlant « Mort aux juifs ! », Herzl en déduisit qu’il n’existait qu’une seule solution aux agressions antisémites: l’immigration en masse des Juifs dans un pays à eux.

    L’Affaire Dreyfus devint ainsi l’un des éléments déterminants de la genèse du sionisme politique.

    Herzl arriva à la conclusion que l’antisémitisme était une donnée immuable, bien ancrée dans la société humaine et non résorbée par l’assimilation. Il réfléchit longuement à l’idée d’une souveraineté juive et, sans craindre de s’exposer au ridicule auprès des dirigeants juifs, publia, en 1896, Der Judenstaat (L’Etat juif). Il y soutenait que le problème juif n’était pas d’ordre individuel, mais national. Il déclara que les Juifs ne pourraient être acceptés dans le monde qu’en cessant d’être une anomalie nationale. Les Juifs constituent un peuple, et leur situation désespérée pourrait se transformer en une force constructrice par la création d’un Etat juif avec l’assentiment des grandes puissances. Il considérait la question juive comme une question politique internationale devant être traitée sur la scène politique internationale. Herzl proposa un programme concret de collecte de fonds auprès des Juifs du monde par un organisme qui oeuvrerait en vue d’atteindre cet objectif. Lorsqu’il fut par la suite constitué, cet organisme prit le nom d’Organisation sioniste. Herzl envisageait le futur Etat sur le modèle européen de l’époque, c’est-à-dire une société moderne et éclairée. Par nature, cet Etat serait neutre, aspirant à la paix et laïc.

    Les idées d’Herzl furent accueillies avec enthousiasme par les masses juives d’Europe orientale, mais les dirigeants juifs furent moins séduits. Herzl n’en réunit pas moins, à Bâle, du 29 au 31 août 1897, le premier congrès sioniste, qu’il présida ; ce fut le premier rassemblement trans-national juif sur une base nationale et laïque. Les délégués adoptèrent le programme de Bâle, le programme du mouvement sioniste, et déclarèrent que « le sionisme aspire à établir en Palestine, pour le peuple juif, un foyer garanti par le droit public ». A cette occasion, fut créée l’Organisation sioniste, l’instance politique du peuple juif, et Herzl fut élu son premier président. La même année, Herzl fonda l’hebdomadaire sioniste Die Welt et entreprit des démarches pour obtenir une charte du peuplement juif dans le Pays d’Israël (Eretz Israël).

    En 1902, Herzl écrivit le roman sioniste Altneuland (Pays ancien, pays nouveau) dans lequel il décrivait le futur Etat juif comme une utopie sociale. Il envisageait une nouvelle société qui allait s’établir dans le Pays d’Israël sur un mode coopératif, utilisant la science et la technologie pour sa mise en valeur. Il présentait des idées détaillées sur la structure politique de l’Etat, l’immigration, la collecte de fonds, les relations diplomatiques, les lois sociales et les relations entre la religion et l’Etat. Dans Altneuland, l’Etat juif était décrit comme une société pluraliste, avancée, une « lumière pour les nations. » Ce livre exerça un puissant impact sur les Juifs de l’époque et devint un symbole de la vision sioniste du Pays d’Israël.

    L’échec du programme ougandais :

    Herzl estimait nécessaire aux objectifs nationaux du peuple juif de recevoir l’encouragement des grandes puissances. En 1898, il se rendit donc dans le Pays d’Israël et à Istanbul pour rencontrer le Kaiser Guillaume II d’Allemagne et le sultan de l’empire ottoman. Lorsque ces efforts s’avérèrent infructueux, il se tourna vers la Grande-Bretagne et eut des entretiens avec Joseph Chamberlain, le ministre britannique des Colonies, et d’autres personnalités. La seule offre concrète qu’il reçut émana des Britanniques qui proposaient de créer une région autonome juive en Afrique orientale, en Ouganda.

    Le pogrom de Kichinev en 1903 et la pénible situation des Juifs russes, comme Herzl put le constater lui-même lors d’une visite en Russie, exercèrent sur lui une profonde influence. Lors du sixième congrès sioniste (1903), il proposa l’adoption du projet ougandais des Britanniques en tant que refuge temporaire à cause du danger imminent menaçant les Juifs russes. Alors qu’Herzl avait précisé que ce projet n’affectait pas les objectifs ultimes du sionisme, à savoir la création d’une entité juive dans le Pays d’Israël, la proposition suscita un tollé au congrès et faillit provoquer une scission du mouvement sioniste. Le programme ougandais fut définitivement rejeté par le mouvement sioniste au septième congrès, en 1905. Herzl mourut en 1904 d’une pneumonie et d’une faiblesse cardiaque. Mais, à ce moment-là, le mouvement avait trouvé sa place sur l’échiquier politique mondial. En 1949, la dépouille de Herzl fut amenée en Israël et réinhumée sur le mont qui porte son nom, à Jérusalem.

    Source :  http://www.mfa.gov.il/MFAFR/MFAArchive/2000_2009/2004/7/Herzl+et+le+sionisme.htm

    Format PDF : http://www.akadem.org/photos/contextuels/410_doc4_herzl.pdf

     


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  • GOLDA MEÏR

     

    C'est avec beaucoup de plaisir et d'émotion que je publie la fiche biographique de Golda Méïr (zikhrona livrakha) qui reste une personne que j'admire beaucoup et de qui beucoup de personalités politiques en Israël devraient prendre exemple, et notamment au parti travailliste Avoda, qui a complètement trahit l'esprit Méïr qui faisait son excellence ! Golda Méïr est une femme à qui nous devons tous beaucoup qui gardera une place privilégiée dans mon coeur aux côtés de Théodore Herzl et David Ben Gourion. Personne n'a leur trampe aujourd'hui, même si j'ai mes préférences parmi ceux qui sont là aujourd'hui.

    (Aestilli Ellie @ L'Argument, 27 mars 2010)


    Golda Mabovitz naquît le 3 mai 1898 à Kiev, au cœur de l'Empire russe.

    L'antisémitisme sévissant et la situation économique décidèrent son père, charpentier miséreux, à émigrer aux Etats-Unis. Il s’en alla en 1903 et fut rejoint par son épouse et sa fille en 1906. Tous trois s’installèrent dans le Wisconsin. La mère de Golda Mabovitz y ouvrit une épicerie et son père y devint cheminot.

    Agée de 10 ans, Golda Mabovitz organisa sa première campagne, visant à procurer des livres de classe aux enfants pauvres. En 1912, âgée de 14 ans, ses parents voulurent la marier avec un homme qu'elle n'aimait pas. Elle fugua et se réfugia chez sa soeur Sheyna, à Denver (Colorado), où elle poursuivit ses études. Chez Sheyna se réunissaient régulièrement des activistes sionistes. Ils firent sur Golda Mabovitz une forte impression au point qu'elle décida bien vite de prendre part à leurs réunions où elle défendit l'idée d'un sionisme socialiste.

    Agée de 18 ans elle partagea ses journées en deux, étant désormais une enseignante et une ardente militante défendant le sionisme socialiste. Elle rencontra un musicien répondant au nom de Morris Myerson et en tomba amoureuse. Un an plus tard, en 1917, alors âgée de 19 ans, elle l'épousa. Quatre ans plus tard Golda Mabovitz Myerson et son époux décidèrent de s'installer en Palestine, une région encore aride, partagée entre le désert et les marécages, une terre où la malaria frappait encore.  Ils s'installèrent au kibboutz de Merhavia.

    Rapidement, Golda Mabovitz Myerson fut élue représentante du kibboutz auprès de la Histadrout (centrale syndicale des travailleurs israéliens)

    L'état de santé préoccupant de son mari, Morris Myerson, poussa Golda Mabovitz Myerson à quitter le kibboutz en 1924, alors âgée de 24 ans. Le couple Myerson s’installa à Tel-Aviv, puis à Jérusalem où il eut ses deux enfants : Sarah et Ménahem.

    En 1928, âgée de 30 ans, Golda Mabovitz Myerson accepta le poste de secrétaire du Conseil ouvrier féminin. Elle devint alors l’un des membres fondateurs du Mapaï et lança sa carrière politique. Cinq ans plus tard,  en 1933, elle fut désignée émissaire aux Etats-Unis pour organiser de Mouvement des femmes pionnières socialistes.

    En 1934, elle fut élue au Comité central de la Histadrout et prit part entre autres à la défense des droits des Juifs à s’établir en Palestine.

    Afin de pouvoir se consacrer entièrement à son combat, elle quitta, en 1945,  définitivement son mari et retourna à Tel-Aviv.

    En 1946, quand les autorités britanniques emprisonnèrent la majeure partie des dirigeants sionistes, elle remplaça Moshé Sharett et devint chef du service politique de l’Agence Juive. Elle négocia la libération des familles Juives internées à Chypre.

    Elle devint ensuite directrice de l’Agence Juive et fut chargée d’organiser l’émigration de Juifs en Palestine. Elle devint rapidement l’un des porte parole les plus efficaces de l’Etat d’Israël. Ben Gourion déclara à son sujet : «Si notre Histoire est écrite un jour, il y sera stipulé que ce fut une femme Juive qui fournit l’argent qui permit a cet Etat d’exister»

    Elle soutint et oeuvra en faveur des propositions de David Ben Gourion au Congrès sioniste de 1946.

    Après le vote du partage de la Palestine, elle participa activement à la défense de Jérusalem et risqua plusieurs fois sa vie.    

    A la veille de la guerre d’Indépendance, David Ben Gourion la chargea d’une mission risquée et audacieuse : se déguiser en femme arabe et se rendre chez le roi Abdallah 1er de Jordanie afin de s'entretenir avec lui et tenter de le convaincre de laisser son pays en dehors de la guerre. Elle remplit sa mission avec succès sauf sur ce dernier point. Elle ne parvint pas, en effet, à convaincre le monarque. Celui-ci avait déjà décidé que son armée envahirait l’Etat Juif dès le départ de l’administration britannique. 

    Le 14 mai 1948, elle fut une des personnalités qui signèrent la déclaration de l’Indépendance de l’Etat d’Israël et David Ben Gourion la nomma membre du gouvernement provisoire. Elle reçut le premier passeport israélien édité pour se rendre aux États-Unis et y collecter des fonds afin de parer aux besoins du tout jeune Etat à la veille de la guerre d’Indépendance.

    En juin 1948, elle fut nommée ambassadrice d’Israël en Union soviétique. Elle quitta ce poste en 1949 pour entrer à la Knesset.

    De 1949 à 1956, elle occupa le poste de ministre du Travail et en 1956, elle reçut le portefeuille du ministère des Affaires étrangères dans le gouvernement de David Ben Gourion qui disait d’elle qu’elle était «le seul homme de son cabinet». Elle changea son nom en Méïr. C'est au cours de cette période, en 1951 , que Son mari, Morris Myerson, décéda.

    En tant que ministre des Affaires étrangères, elle proposa de mettre l’expérience de l’Etat d’Israël au profit de jeunes états africains indépendants et engagea avec eux une coopération sur le plan de la planification urbaine et sur le plan agricole. Par ailleurs, elle renforça considérablement les relations d’Israël avec les Etats-Unis.  

    En 1966, elle quitta le gouvernement et fut nommée secrétaire générale du Mapaï. Deux ans plus tard, elle abandonna cette fonction, car elle souffrait d’une leucémie. 

    Au lendemain de la guerre des Six jours, elle oeuvra en faveur de la fusion des deux camps du Mapaï et de la création d’un parti qui devint plus tard le Parti travailliste avant de se retirer à nouveau le 1er août 1968.

    En février 1969, à la mort soudaine de Lévy Eshkol, elle fut rappelée par le Parti travailliste pour assumer le rôle de Premier ministre. A l’âge de 71 ans, ce fut le point culminant de sa carrière. Elle renforça le développement économique du pays et s’intéressa au problème du judaïsme soviétique.

    A l’époque, après avoir imposé une défaite cuisante aux Arabes lors de la guerre des Six jours, après les avoir humiliés et après avoir repris un bon nombre de territoires, l’Etat d’Israël débordait de confiance en lui-même.

    L’événement central qui marqua la carrière de Premier ministre de Golda Méïr, fut la guerre de Kippour qui éclata le 6 octobre 1973.

    Golda Méïr avait usage de se concerter avec son ministre des Finances Pinhas Safir et avec Israël Galili, ministre sans portefeuille. Ces concertations lui valurent de vives critiques au lendemain de la guerre de Kippour. En effet, on lui reprocha d’avoir pris des décisions vitales dans le forum restreint au lieu de les prendre dans le cadre de réunions gouvernementales.

    Golda Méïr fut considérée responsable de la surprise dont l’Etat d’Israël avait été victime et on lui reprocha de ne pas avoir réveillé le pays de l’espèce de «sieste» dans laquelle il s’était laissé bercer depuis la victoire de 1967 et d’avoir surestimé la force d’Israël. Elle déclara : «Je ne serai plus jamais celle j’étais avant la guerre de Kippour». Bien qu’ayant mené le parti à une victoire, lors des élections qui suivirent, elle démissionna en 1974 et fut remplacée par Its'hak Rabin. 

    En avril 1974, Golda Méïr se retira complètement de la vie politique, après que la commission Agranat ait publié son rapport. Selon les conclusions de la commission, Golda Méïr, ne fut pas directement responsable de la guerre de Kippour. Mais le débat public autour de la responsabilité de Golda Méïr dans l’échec de la guerre de Kippour n’a jamais été clos. 

    Golda Méïr fut la «dame de fer» avant que ce qualificatif ne soit employée plus tard pour Margaret Thatcher. Elle a été la première femme à accéder au poste de premier ministre en Israël  et la troisième femme dans le monde à ce niveau de responsabilité (seules Sirimavo Bandaranaike au Sri Lanka et Indira Gandhi en Inde l'ont précédée). Pragmatique et charismatique, elle consacra sa vie à Israël par un dévouement qui lui est resté légendaire. Franche, honnête, implacable, et déterminée, elle avait une apparence austère et l’expression de son visage était marquée par les difficultés de la vie. Telle fut l’idée que se fit le monde de l’esprit israélien.

    La peur lui était étrangère et elle ne se décourageait ni ne capitulait jamais devant ses ennemis, quels qu’ils soient. Elle ne céda jamais aux menaces arabes. Golda Méïr n’était pas disposée à un échange de «territoires» contre une solution de paix avec les Palestiniens et les pays arabes voisins, alors que bon nombre d’activistes de la paix le réclamaient. Elle affirmait «La paix viendra lorsque les Arabes aimeront leurs enfants plus qu’ils ne nous haïssent»  

    Golda Méïr s’éteignit le 8 décembre 1978, à l’âge de 80 ans à Jérusalem après avoir souffert d’une leucémie durant les douze dernières années de sa vie. Elle fut enterrée sur le Mont Herzl, à Jérusalem.

        * Du 10 mars 1949 au 8 octobre 1951 : ministre du Travail et de la Sécurité sociale.

        * Du 8 octobre 1951 au 10 juin 1956 : ministre du Travail.

        * Du 19 juin 1956 au 12 janvier 1966 : ministre des Affaires étrangères.

        * Du 17 mars 1969 au 3 juin 1974 : Premier ministre.

     

    Citations de Golda Meir :

    "Laissez  moi vous dire ce que nous, Israéliens, avons contre Moïse. Il nous a menés pendant  40 ans à travers  le désert pour finalement  nous installer  dans le seul coin du Moyen Orient où il n'y a pas une goutte de pétrole."

    "L'homme doit être maître du temps, pas son esclave."

    "Le pessimisme est un luxe qu'un Juif ne peut jamais se permettre."

    "La Paix viendra quand les Arabes aimeront leurs enfants plus qu'ils ne nous haïssent".

     


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  • Johann von Leers, alias Omar Amin, né le 25 janvier 1902 à Vietlübbe, en Allemagne, mort le 5 mars 1965 au Caire, en Égypte. Membre du parti national-socialiste et de la SS, protégé d’Alfred Rosenberg, il fut l'un des idéologues les plus importants du troisième Reich avant de travailler pour le Ministère égyptien de l'information. Devenu Omar Amin en Égypte après avoir été recruté par Gamal Abdel Nasser, qui le nommera responsable de la propagande anti-juive au Caire, Von Leers se convertira à l'islam au contact des Frères musulmans égyptiens. Von Leers devint un ami personnel du Mufti de Jérusalem.

    Le cas de Johann von Leers est exemplaire à ce sujet. Membre dirigeant de la NSDAP à la fin de 1929, colonel SS, rédacteur de Der Angriff, auteur de différentes études d'anthropologie, le professeur d'université von Leers fut l'intime collaborateur de Joseph Goebbels, lequel lui confia la direction du Nordische Welt, organe de la Société pour la préhistoire et la protohistoire germanique. Après dix-huit mois d'internement dans un Lager anglo-américain, Von Leers réussit à fuir en Argentine, où il dirigea un journal en langue allemande. A la chute de Perón en 1955, il se mit à l'abri en Égypte ; ici il se convertit à l'islam et prit le nom de Omar Amin. Von Leers organisa au Caire l'Institut de recherche sur le sionisme, dirigea des émissions radiophoniques écoutées dans tout le monde arabe, se chargea d'une importante collection de textes islamiques destinés au public allemand et donna vie à diverses initiatives éditoriales et de propagande. En Égypte, von Leers devint un ami proche de l’ancien Mufti de Jérusalem, Muhamad Hadj Amîn al-Husaynî.

    Johann von Leers fut très tôt un membre actif du parti nazi et en 1929, il était devenu l’un des protégés de Joseph Goebbels.

    En avril 1938, von Leers fut nommé professeur à l'université Friedrich-Schiller à Iéna. Il était spécialiste de "l’histoire juridique, économique et politique sur des bases raciales" (Rechts-, Wirtschafts- und politische Geschichte auf rassischer Grundlage). Il maîtrisait cinq langues : l'anglais, le français, l'espagnol, le hollandais, et le japonais. Dans sa jeunesse, il fut membre du mouvement nationaliste de la jeunesse Adler u. Falken (Aigles et Faucons), où il noua là des liens durables avec Heinrich Himmler.

    Von Leers était un membre actif du Mouvement allemand de la Foi, sous le patronage de Heinrich Himmler. Son objectif était de "libérer l'Allemagne de l'impérialisme judéo-chrétien" en créant, à sa place, une nouvelle religion païenne. Avec d’autres, il avait aussi été à l’origine d'un plan pour développer la race aryenne par la procréation. En compagnie d'un certain Friedrich Lamberty-Muck qui prêchait la polygamie, il fut l’inspirateur du projet Lebensborn, activement mis en application par Himmler.

    Von Leers était le spécialiste des affaires juives. Il fut l'un des propagandistes les plus radicaux de l’antisémitisme du Troisième Reich. Le philosophe juif, Emil Fackenheim, a expliqué que von Leers défendit une position selon laquelle "les États qui hébergent des juifs hébergent la peste, et le Reich a le devoir moral et le droit légal de conquérir ces pays parce qu’il doit aller jusqu’au bout de sa lutte sans merci pour éradiquer la peste."

    Von Leers possédait d’indéniables talents, qu'il a déployés pour asseoir les bases idéologiques de la collaboration du nazisme et de l’islam. Après la guerre, il a poursuivi son action en Égypte. Son travail fut considéré comme très positif, et a été pleinement soutenu.

    Jeffrey Herf signale qu'en décembre 1942, von Leers a publié, dans "Die Judenfrage", journal d’intellectuels antisémites, un article intitulé "Le judaïsme et l’islam face à face". Comme le titre l’indique, l'auteur adoptait une perspective hégélienne, et présentait le judaïsme et l’islam en termes de thèse et d'antithèse. Cet essai mettait également en lumière le point de vue nazi obséquieux, que von Leers projetait sur le passé de l’islam : « L'hostilité de Mahomet envers les juifs a eu une conséquence : les juifs d’Orient ont été totalement paralysés. Leur assise a été détruite. Le judaïsme oriental n'a pas réellement participé à l’extraordinaire montée en puissance du judaïsme européen au cours des deux derniers siècles. Repoussés dans la saleté des ruelles du mellah [dans les villes marocaines, c'est le quartier juif entouré de murs, analogue au ghetto européen], les juifs ont mené là une vie misérable. Ils ont vécu sous une loi spéciale, celle d'une minorité protégée, qui contrairement à l'Europe ne leur permettait pas de pratiquer l'usure ni même le trafic de marchandises volées, les maintenant dans l’oppression et l’angoisse. Si le reste du monde avait adopté une politique semblable, nous n'aurions pas de question juive (Judenfrage)... En fait, en tant que religion, l’islam a rendu un service éternel au monde : il a empêché la conquête menaçante de l'Arabie par les juifs. Il a vaincu, grâce à une religion pure, le monstrueux enseignement de Jéhovah. C'est ce qui a ouvert à de nombreux peuples la voie vers une culture supérieure... »

    Parmi ceux qui devinrent musulmans et qui exercèrent des fonctions d'un certain niveau dans l'Etat égyptien, citons : Joachim Daeumling, ex-chef de la Gestapo de Düsseldorf, qui réorganisa les forces de police en Egypte sous la responsabilité d'Otto Skorzeny; William Boeckler (Abd el-Karîm), ex-capitaine de la Gestapo, qui assuma une charge au service d'information; l'ex-SS Wilhem Berner qui entraîna les fedayin palestiniens ; l'ex-SS-Gruppenführer A Moser (Hasan Suleymâm), qui occupa un poste d’instructeur militaire; l'ex-commandant de la garde du corps de Hitler Léopold Gleim (an-Nâsir), qui alla former les cadres des services de sécurité ; Louis Heiden (al-Hâj), ex-membre de l'Office central de sécurité du Reich, qui traduisit Mein Kampf en arabe.

    Pour sa part, lors de sa rencontre avec Hitler, le 21 novembre 1941, et dans ses émissions de radio, l'ancien mufti de Jérusalem, Haj Amin Al-Husseini, affirmait que les juifs étaient les ennemis communs de l’islam et de l'Allemagne nazie . L'ancien mufti fit de fréquents déplacements dans les Balkans pour y encourager les unités musulmanes SS. Les radios de l’Axe ont fidèlement rendu compte de ces visites. Au cours de son émission du 21 janvier 1944, Haj Amin soulignait : « Le Reich mène le combat contre les mêmes ennemis, ceux qui ont spolié les musulmans de leurs pays et anéanti leur foi religieuse, en Asie, en Afrique et Europe... Le national-socialisme allemand lutte contre les juifs partout dans le monde. Comme le dit le Coran: "Tu apprendras que les juifs sont les pires ennemis des musulmans". Les principes de l’islam et du nazisme sont très proches, en particulier dans leur affirmation des valeurs du combat et de la fraternité d'armes, dans la prééminence du rôle du chef, dans l'idéal d'Ordre. Voila ce qui rapproche étroitement nos valeurs et facilite la coopération. Je suis heureux de voir, dans cette unité de musulmans SS, la mise en pratique indiscutable de nos deux visions du monde ».

    Von Leers a contribué financièrement à la publication d'une édition arabe des Protocoles des Sages de Sion. Il a organisé la diffusion d’émissions de radio antisémites en plusieurs langues, encouragé les mouvements néo-nazis dans le monde entier, et entretenu une correspondance chaleureuse avec les premiers négationnistes, dont Paul Rassinier.

    En plus de ses obligations professionnelles quotidiennes, Johann von Leers était actif au titre de « contact pour l'organisation des anciens membres des SS (ODESSA) en territoire arabe ». Et ce fut son ami, Haj Amin Al-Husseini, qui lui trouva un poste de conseiller politique au Ministère égyptien de l'information. Dans son discours de bienvenue au Caire, l'ancien mufti déclara à l’adresse de von Leers : « Nous vous remercions de prendre part à la bataille contre les forces du Mal incarnées par les Juifs du monde entier. » . (Wikipedia)

     


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  • Adolf Eichmann (Solingen 19 mars 1906 – Jérusalem  31 mai 1962) est un fonctionnaire de haut rang de l'Allemagne nazie et un membre des SS  (Schutzstaffel) au rang d'Obersturmbannführer (lieutenant-colonel). Il fut responsable de la logistique de la solution finale (Endlösung). Il organisa notamment l'identification des victimes de la solution finale et leur déportation vers les camps de concentration.

     

    Jeunesse

    Né le 19 mars 1906 à Solingen en Allemagne, Adolf Eichmann est le fils d’un industriel et homme d’affaires, Adolf Karl Eichmann, et de Maria née Schefferling. En 1914, après la mort de Maria, la famille Eichmann déménage à Linz en Autriche. Durant la Première Guerre mondiale, le père d’Eichmann sert dans l'armée austro-hongroise. À la fin de la guerre, il retourne à Linz et reprend les rênes de l’affaire familiale. Le jeune Eichmann quitte l’école (Realschule) sans diplôme et débute l’apprentissage de la mécanique qu’il abandonnera également. En 1923, il commence à travailler pour la compagnie minière de son père. De 1925 à 1927, il travaille comme vendeur pour Oberösterreichische Elektrobau AG, ensuite il travaille comme agent régional de la Vacuum Oil Company AG, une filiale de la Standard Oil jusqu’au printemps 1933 où il retourne en Allemagne.

    Adolf Eichmann épouse Vera Liebl le 21 mars 1935. Le couple aura quatre fils, Klaus, né en 1936 à Berlin, Horst Adolf né en 1940 à Vienne, Dieter Helmut né en 1942 à Prague, et Ricardo Francisco né en 1955 à Buenos Aires.

    Il a ses premiers contacts avec le parti nazi lorsqu'il rejoint le mouvement des Wandervogel, classé de nos jours dans le courant idéologique de l'anarchisme de droite, qui entretient des relations troubles avec le milieu antisémite. À 26 ans, en 1932, il est invité avec son père à une réunion du parti nazi autrichien, sur l'invitation d'Ernst Kaltenbrunner, un vieil ami de la famille. Fortement impressionné, cet épisode déterminera l'engagement de Eichmann dans le national-socialisme.

     

    Du NSDAP à la SS

    Suivant le conseil d'Ernst Kaltenbrunner, Eichmann rejoint la SS autrichienne le 1er avril 1932 en qualité de SS-Anwärter. Il est pleinement intégré à la SS en novembre comme SS-Mann sous le matricule 45326. Il sert alors à mi-temps dans la Allgemeine-SS  de Salzburg.

    Quand, en 1933, les nazis accèdent au pouvoir, Eichmann revient en Allemagne et demande son intégration à plein temps dans la SS, qui est acceptée, et en novembre il est promu Scharführer et intégré à l'équipe d'administration du camp de concentration de Dachau.

    En 1934, il choisit de faire une carrière dans la SS demande son transfert dans la Sicherheitspolizei qui commence à devenir une organisation puissante et crainte. Il y est effectivement transféré en novembre et est promu Oberscharführer. Il est alors assigné au centre de commandement des Sicherheitsdienst (SD) à Berlin où il est rapidement remarqué par ses supérieurs qui le promeuvent encore au rang de Hauptscharführer en 1935 puis à celui de SS-Untersturmführer en 1937.

    Cette même année, il est envoyé avec son supérieur Herbert Hagen en Palestine, alors sous mandat britannique, pour étudier la possibilité d'une émigration massive des Juifs allemands vers cette contrée. Ils débarquent à Haifa, mais n'obtenant qu'un visa de transit, ils vont jusqu'au Caire où ils rencontrent un membre de la Haganah, mais le sujet de la discussion est encore de nos jours mal connu. Les rencontres qu'ils avaient prévues avec les chefs arabes ne purent avoir lieu du fait de l'interdiction de territoire palestinien. Dans leur rapport ils déconseillèrent une émigration à grande échelle des Juifs allemands autant pour des raisons économiques que pour ne pas contredire la politique du Reich qui préconisait de ne pas laisser un État juif se créer en Palestine.

    En 1938, après l’Anschluss, Eichmann est envoyé en Autriche pour organiser les forces de sécurité SS à Vienne. Pour cette action il est promu SS-Obersturmführer. À la fin de cette même année il est désigné par le commandement SS pour former le Zentralstelle für jüdische Auswanderung, le bureau central pour l'émigration juive, qui a la charge de déporter et d'expulser les Juifs d'Autriche. Pour cette tâche, il étudie le judaïsme qui le fascine et il développe alors un profond antisémitisme.

     

    Les années de guerre

    Au début de la Seconde Guerre mondiale, Eichmann est promu SS-Hauptsturmführer et s'est fait un nom au bureau de l'émigration juive. Il s'y est fait de nombreux contacts avec les leaders du mouvement sioniste  avec lesquels il travaille pour accélérer l'émigration juive depuis le Reich.

    Eichmann retourne à Berlin en 1939 après la formation du Bureau central de sécurité du Reich (RSHA). En décembre 1939, il est désigné à la tête du RSHA Referat IV B4, la section du RSHA qui s'occupe des affaires juives et de l'évacuation. En août 1940, il publie le Reichssicherheitshauptamt: Madagaskar Projekt qui prévoyait la déportation de l'ensemble de la population juive d'Europe dans la colonie française de Madagascar. C'est alors qu'il obtient le grade de SS-Sturmbannführer et un an plus tard il accède à celui de Obersturmbannführer.

    En 1942, Reinhard Heydrich invite Eichmann à participer à la conférence de Wannsee où l'Allemagne nazie décide de la solution finale et Eichmann est nommé « administrateur du transport ». Il a la charge de tous les trains qui transportent les Juifs vers les camps de la mort en Pologne. Durant les deux années suivantes, Eichmann assume son rôle avec zèle et déclare qu'il rirait « en sautant dans [s]a tombe, car j'ai le sentiment d'avoir tué cinq millions de Juifs. Voilà qui me donne beaucoup de satisfaction et de plaisir[1]. »

    Son travail est remarqué et, en 1944, il est nommé en Hongrie pour organiser la déportation des Juifs et il envoie 400 000 Juifs Hongrois dans les chambres à gaz nazies.

    En 1945, Heinrich Himmler, ministre de l'intérieur et Reichsführer SS, ordonne l'arrêt des exterminations et la destruction des preuves de la solution finale. Eichmann refuse les ordres et continue à déporter et à assassiner les Hongrois. Il s'efforce aussi d'éviter d'intégrer les unités combattantes, ayant été nommé un an auparavant Untersturmführer de réserve de la Waffen-SS.

    Eichmann fuit l'avancée soviétique et rejoint l'Autriche où il retrouve Ernst Kaltenbrunner.

     

    Après la guerre

    À la fin de la guerre, Eichmann est capturé par l'armée américaine à qui il se présente comme « Otto Eckmann ». Début 1946, il s'échappe des prisons américaines et se cache en Allemagne durant plusieurs années. En 1948, il obtient un permis de séjour en Argentine, mais ne l'utilise pas immédiatement. En 1950, il arrive en Italie  et prend un nouvel alias, Ricardo Klement, qu'il ne changera plus jusqu'à sa capture. Avec l'aide d'un moine franciscain qui fréquente Alois Hudal, il obtient le 1er juin 1950 un passeport humanitaire de la Croix-Rouge internationale ainsi qu'un visa argentin[2]. Le 14 juillet 1950, Eichmann débarque à Buenos Aires où il exercera différents métiers manuels. Il fait aussi venir avec lui sa femme et ses deux fils. Il aura un troisième fils, Ricardo Francisco Eichmann, après que son épouse l'eut rejoint dans la banlieue de Buenos Aires.

    La capture

    Durant les années 1950, de nombreux juifs s'emploient à retrouver les criminels nazis en fuite, et Eichmann fait partie des premiers sur la liste. Des documents déclassifiés montrent que le gouvernement ouest-allemand ainsi que la CIA connaissent, dès 1952 (1958 pour la CIA), le pseudonyme sous lequel se cache Eichmann (Klement), mais ne le révèlent pas pour raisons d'État. Il semble que la crainte ait été que Eichmann dénonce Hans Globke, alors membre du gouvernement du chancelier Konrad Adenauer[3]. Simon Wiesenthal, un de ces chasseurs de nazis, rencontre, lors d'une réunion philatélique, un ami autrichien, baron, qui, par hasard, en lui montrant sa collection, lui confie avoir conservé cette carte postale d'un de ses contacts en Argentine, bien connue à l'époque pour abriter de nombreux anciens responsables nazis, qui dit avoir vu « ce sale porc d'Eichmann » ayant "régné" sur les Juifs et qui contient des informations plus précises : « Il vit à Buenos Aires et travaille pour la société des eaux ». Il semble que ces informations (entre autres) recueillies par Wiesenthal permirent aux Israéliens de localiser Eichmann en Argentine. Il existe cependant une controverse concernant le rôle exact de Wiesenthal depuis que le Jerusalem Post a révélé dans son édition du 7 mai 1991  l'existence d'un manuscrit non publié d'Isser Harel, dirigeant du Mossad lors de la capture d'Eichmann, qui sous-entend que les agissements de Wiesenthal auraient failli compromettre l'enlèvement d'Eichmann et empêché celui de Joseph Mengele.

    L'autre acteur principal de la chasse lancée contre Eichmann est Lothar Hermann, un rescapé de Dachau, qui émigre en Argentine dans les années 1950 avec toute sa famille. Or, sa fille Sylvia entretient une relation avec Klaus, le fils aîné d'Eichmann. Les remarques de Klaus concernant le passé nazi de son père, ainsi que la lecture en 1957 d'un article concernant les criminels nazis réfugiés en Argentine (dont Eichmann), mettent Hermann sur la voie. Il envoie alors sa fille enquêter chez les Eichmann (qui se font encore appeler Klement), et elle obtient de la bouche même d'Adolf la confirmation des soupçons de son père. Celui-ci prévient Fritz Bauer, le procureur de la Hesse. Bauer n'ayant pas confiance en la justice allemande qui compte encore de nombreux ex-nazis dans ses rangs, prévient directement les autorités israéliennes qui prennent contact avec Hermann. Le Mossad localise alors précisément Eichmann et, grâce aux indications de Hermann qui continue à le surveiller, il échafaude un plan d'enlèvement. Le gouvernement israélien approuve finalement en 1960 ce plan qui est exécuté peu après.

    Eichmann est enlevé en pleine rue par une équipe d'agents du Mossad le 11 mai 1960 et, le 21, il est transporté jusqu'en Israël à partir d'un aéroport militaire argentin. Pour l'anecdote, à l'entrée de la base, un barrage militaire les attendait. Afin qu'Eichmann ne dévoile pas aux soldats argentins qu'il venait d'être enlevé, il fut revêtu d'un uniforme israélien et on le força à boire une bouteille de whisky entière. Rafi Eitan (chargé de l'opération) et ses hommes s'aspergèrent de whisky. À l'entrée de la base, les soldats argentins arrêtèrent l'automobile et se moquèrent des Israéliens incapables de tenir l'alcool. Cette action, contrevenant aux lois internationales, soulève la colère des autorités argentines.

    Le gouvernement israélien nie tout d'abord être impliqué dans cet enlèvement et prétend qu'il est le fait de volontaires civils juifs chasseurs de nazis. David Ben Gourion, alors Premier ministre, annonce la capture d'Eichmann à la Knesset le 23 mai 1960. Cette annonce est acclamée debout par les députés présents. Pour connaître les détails de la capture d'Eichmann, on peut se reporter à l'ouvrage d'Isser Harel La Maison de la rue Garibaldi.

    Le procès Eichmann

    Eichmann comparaît à Jérusalem  pour quinze chefs d'accusation le 11 avril 1961. On peut regrouper les chefs d'accusation en quatre catégories :

        * crimes contre le peuple juif (chefs d’inculpation 1-4) ;

        * crimes contre l’humanité (5-7, 9-12) ;

        * crimes de guerre (8) ;

        * participation à une organisation hostile (13-15).

    Exceptionnellement, ce procès fut présidé par trois juges au lieu d'un jury comme le veut la procédure israélienne normale. De plus, le procureur n'est autre que Gideon Hausner, alors procureur général.

    Ce procès provoqua une controverse internationale et un émoi gigantesque. Les téléspectateurs du monde entier découvrirent en direct Eichmann dans une cage de verre blindée écoutant un interminable défilé de témoins décrivant son rôle dans le transport des victimes de la Shoah. La seule ligne de défense d'Eichmann était d'affirmer n'avoir rien fait d'autre que « suivre les ordres ».

    La détention de Eichmann durant toute la durée du procès, donna lieu à des mesures de sécurité draconiennes à la prison de Ramla, non loin de Tel Aviv (il avait auparavant passé les premiers temps de sa détention à la prison de Yagur, près de Haïfa). L'administration pénitentiaire voulant à tout prix éviter que le détenu ne se suicide ou soit assassiné par vengeance. 22 gardiens furent recrutés et on veilla à ce qu'aucun d'entre eux ne furent d'anciens déportés (ou qu'ils aient perdus leurs familles dans les camps). Eichmann disposait d'un « appartement » de cinq pièces, situé à l'étage d'une aile de la prison, auquel aucun gardien ashkénaze (donc susceptible d'être originaire d'Allemagne ou d'Europe de l'Est) n'était autorisé à monter. La nourriture du détenu et de ses gardiens arrivait à la prison dans des récipients scellés, afin d'éviter toute tentative d'empoisonnement, les plats d'Eichmann étaient même préalablement goûtés par ses geôliers avant qu'ils ne lui soient servis[4].

    Déclaré coupable pour tous les chefs d'inculpation, il est condamné à mort le 15 décembre 1961 et pendu par l'agent pénitentiaire Shalom Nagar peu après minuit le 1er juin 1962 dans la cour de la prison de Ramla. Il est l'un des deux seuls condamnés à mort à avoir été exécuté par Israël et le seul civil. En Israël, les infractions dont Eichmann a été accusé, avec la trahison, constituent les seuls crimes capitaux.

    On prétend que ses derniers mots furent : « Vive l'Allemagne. Vive l'Autriche. Vive l'Argentine. Ce sont les trois pays desquels je fus le plus proche et je ne les oublierai pas. Je devais obéir aux règles de la guerre et à mon drapeau. Je suis prêt » puis « Pourim 1946 ![5] », faisant sans doute référence à l'événement de Pourim. Pourtant, le bourreau d'Eichmann ne fait mention d'aucune parole[6]. D'après son souvenir : "Il n'y avait là qu'Eichmann et moi. Je me tenais à un mètre de lui et le regardai droit dans les yeux. Il refusa qu'on lui bande les yeux, et il portait encore aux pieds des pantoufles à carreaux ordinaires. J'ai tiré la manette et il est tombé en se balançant au bout de la corde". Il est vraisemblable qu'Eichmann n'ait prononcé aucune parole, car il a passé sa captivité à rédiger un document de 1 300 pages intitulé "False Gods"[réf. nécessaire] qui tenait lieu de dernières paroles et fut rendu public par les autorités israéliennes le 29 février 2000[7],[8].

    Son corps a été incinéré dans un four construit spécialement à cet effet et ses cendres dispersées dans la Méditerranée. La dispersion des cendres dans la mer fut l’une des dernières volontés d’Adolf Eichmann. Israël accepta la dispersion des cendres, mais uniquement au-delà des eaux territoriales de l’État hébreu, ceci afin d'éviter qu'elles ne le "souillassent".

    Le député de la Knesset (le parlement israëlien) Ivo Goldberg fit un long discours à l'assemblée le lendemain matin à ce sujet: « J'ai perdu ma mère, j'ai perdu mon père, j'ai perdu mes sœurs, j'ai perdu mes frères, j'ai perdu des tantes, j'ai perdu des oncles, j'ai perdu des amis il y a vingt ans. J'ai survécu aux camps avec la honte de m'en être sorti et pas eux. De ma famille et de mes amis, il ne me reste rien à part leurs souvenirs. Eichmann est mort. Et alors? Certes cela ne fera pas revenir ma famille, cela ne fera pas non plus revenir mes amis, mais au moins il a été jugé. Qu'il ait été pendu m'indiffère. Qu'il soit mort m'est égal. L'homme et le criminel ont été jugés et condamnés.

    J'étais dans le camp de Bergen-Belsen quand ce petit homme boiteux, rachitique et engoncé dans son uniforme avait inspecté le camp. Comme nous avions été avertis de sa visite, nous étions tous dehors à vouloir voir qui était ce Eichmann qui avait tant de haine contre nous. Je le vis marcher fièrement toisant les vieillards faméliques et regarder avec mépris les adolescents aux corps décharnés. Ce jour-là, j'étais à mille lieux de me douter que je reverrais cet homme moins de vingt ans plus tard dans une salle d'audience pour être jugé. De terrible bourreau actif et passif, il est devenu un simple citoyen banal pour reprendre l'expression d'Hannah Arendt. Eichmann est mort, mais le souvenir de nos frères de persécution ne doit pas pour autant l'être. Apprenons aux jeunes ce qui s'est passé pour qu'il n'y ait plus jamais d'autre Eichmann. ... »

    Le cas Eichmann

    Depuis plus de quarante ans qu'Eichmann est mort, les historiens n'ont cessé de spéculer sur sa vie et sur son action. La question la plus cruciale étant de définir sa responsabilité exacte dans la mise en œuvre de la solution finale. La plupart affirment qu'il savait exactement ce qu'il faisait et connaissait les conséquences de ses actes. Néanmoins, quelques-uns, dont son fils, estiment qu'il a été méjugé et qu'il ne faisait que son devoir de soldat allemand.

    Une troisième et très controversée analyse est faite notamment par Hannah Arendt, philosophe juive allemande exilée aux États-Unis lors de la montée du nazisme dans les années 1930 et qui a couvert le procès Eichmann pour le magazine The New Yorker. Dans son ouvrage Eichmann à Jérusalem qui compile ses chroniques de ce procès, Arendt conclut qu'Eichmann n'a montré ni antisémitisme ni troubles psychiques, et qu'il n'avait agi de la sorte durant la guerre que pour « faire carrière ». Elle le décrit comme étant la personnification même de la « banalité du mal », se basant sur le fait qu'au procès il n'a semblé ressentir ni culpabilité ni haine et présenté une personnalité tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Elle élargit cette constatation à la plupart des criminels nazis, et ce quel que soit le rang dans la chaîne de commandement, chacun effectuant consciencieusement son travail de fonctionnaire ou de soldat plus préoccupé comme tout un chacun par son avancement que par les conséquences réelles du travail. Beaucoup allèrent plus loin dans ce raisonnement en affirmant que chacun, pour peu que les bonnes conditions soient réunies, les bons ordres, les bonnes incitations données au bon moment, peut commettre les crimes les plus odieux, mais Arendt elle-même refusa cette interprétation. À ce sujet, on pourra lire le livre du professeur Stanley Milgram : Obedience to Authority (Soumission à l'autorité).

    Une autre analyse, menée par Christophe Dejours, essaie de mettre en relation le cas Eichmann et le recours aux stratégies de défense dans la banalisation du mal. On pourra lire a cet égard : Souffrance en France, où Christophe Dejours compare également sa propre analyse avec les écrits de Arendt.

     

    Citations

    • « Les regrets ne font aucun bien, regretter des choses est inutile, les regrets, c'est bon pour les enfants. »
    • « J'ai fait mon devoir, conformément aux ordres. Et on ne m'a jamais reproché d'avoir manqué à mon devoir. »



    Bibliographie

        * Jonathan Littell, Les Bienveillantes, Gallimard, 2006

        * Gouri Haïm, Présence du Judaïsme LA CAGE DE VERRE (journal du procès Eichmann) Editions Albin Michel, 1964

        * Adolf Eichmann, Eichmann par Eichmann, éd. Grasset, 1971 (texte établi par Pierre Joffroy et Karin Königseder)

        * Gunther Anders, Nous, fils d'Eichmann, édition rivages poche, 1999

        * Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, 1963 traduit de l'anglais par Anne Guérin; réédition Paris: Gallimard, 1991, 484 pages, (ISBN 2070326217)

        * David Cesarani, Becoming Eichmann, Da Capo press, 2006

        * Gideon Hausner, Justice à Jérusalemn, éd. Flammarion, 1976 (traduit de l'anglais par Pierre Javet)

        * Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, éd. Gallimard, coll. « Folio »-histoire, 2006, trois volumes

        * Harry Mulisch: L'Affaire 40/61. (traduit du néerlandais par Mireille Cohendy) Paris: Gallimard, 2003, 263 pages, (ISBN 2070767191)

        * Pierre de Villemarest, Le Dossier Saragosse : Martin Bormann et Gestapo-Müller après 1945, Paris, Charles Lavauzelle, 2002, 262 pages, (ISBN 2702505783)

        * Jochen von Lang, Eichmann : l'interrogatoire, Paris, Belfond, 1984, 312 pages, (ISBN 2714416462)

        * Tuviah Friedman Institute of Documentation Israel Adolf Eichmann - Lothar Hermann

        * Lothar Hermann ( Argentinien ) Korrespondenz by Tuviah Friedman Germany National Bibliothek

        * The Blind man who discovered Adolf Eichmann in Argentinien 69 Document

        * Isser Harel attacks Simon Wiesenthal 31 Document

        * Michel Onfray, "Le Songe d'Eichmann", éd Gallilée

        * 1957 reported Lothar Hermann ( Argentinien ) Adolf Eichmann alias Francisco Schmidt to General Justiz Fritz Bauer

        * 1958 CIA-Akte Ricardo Clemens

        * 1959 ( Dezember ) Fritz Bauer said Eichmann -- Kuwait -- Press-Archiv International H.Sch.

        * Simon Wiesenthal - Tuviah Friedman Korrespondenz by Germany National Bibliothek

        * Simon Wiesenthal no Role captured Adolf Eichmann

     

    Filmographie

        * Documentaire sur DVD : Les Dossiers secrets du nazisme

        * Le procès Eichmann à Jérusalem a fait l'objet d'un film documentaire nommé : Un spécialiste (éditions Montparnasse). Le film fut réalisé à partir d'un fonds de 350 heures d'images d'époque.

        * L'homme qui a capturé Eichmann, téléfilm de William A. Graham réalisé en 1996 avec Robert Duvall sur la capture d'Adolf Eichmann. Le film relate les préparatifs de l'enlèvement d'Eichmann à Buenos Aires en 1960, et les quelques jours qui ont précédé son transfert vers Israël, gardé secrètement par des agents du Mossad. Le film en profite pour faire exprimer à Adolf Eichmann son absence de regret et son statut de simple exécutant des ordres et "de la loi".

        * Conspiracy, téléfilm de Frank Pierson réalisé en 2001 sur la conférence de Wannsee, dans lequel Eichmann est interprété par Stanley Tucci (Reinhard Heydrich y est interprété par Kenneth Brannagh et Wilhelm Stuckart par Colin Firth).

     

    Notes

       1. ↑  Cité dans Jacob Robinson, And the Crool Shall Be Made Straight: The Eichmann Trial, the Jewish Catastrophe and Hannah Arendt's Narrative, Philadelphie, Jewish Publication Society of America, 1965, repris dans Daniel Jonah Goldhagen, Le Devoir de morale, éd. du Seuil, 2003, p. 36 (traduit de l'anglais des États-Unis par William O. Desmond)

       2. ↑ Ce passeport, établi au nom de Riccardo Klement, né le 23 mai 1913 à Bolzano, dans le nord de l'Italie, a été retrouvé par hasard, et en bon état, dans les archives du tribunal fédéral de Buenos Aires en mai 2007. La juge Maria Servini de Cubria l'a transféré au Musée de l'Holocauste de Buenos Aires. (Le Monde 1er juin 2007 p.7).

       3. ↑ Washington connaissait le pseudo de Eichmann en 1958 mais n'a rien fait, Le Monde 6 juin 2006

       4. ↑ Récit de la détention et de l'exécution d'Eichmann par son bourreau Shalom Nagar [archive]

       5. ↑ Paru également dans France Soir image-in [archive]

       6. ↑ Interview du bourreau d'Eichmann par le magazine israëlien Mishpacha [archive], n° 33 du 24/11/2004.

       7. ↑ (en)Article du journal "The Independant [archive]", publié le 1er mars 2000, intitulé : "Eichmann: Last words of man who ensured the machinery of genocide worked like clockwork" (Eichmann: les derniers mots de celui qui affirmait que le génocide avait fonctionné comme une horloge) de Phil Reeves à Jerusalem [1] [archive]

       8. ↑ (en)Eichmann’s Memoirs (Excerpts) [archive] : mémoires d'Eichmann (Extraits)

     

     

    (Wikipedia)

     


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