• Vendredi 12 mars 2010 à 05:35

    L'Egypte a durci sa position sur les visas, permis de sortir des dirigeants du Hamas dans la bande de Gaza, demandant que le mouvement terroriste signe un accord de réconciliation avec le Fatah préparé par Le Caire. La demande intervient dans un contexte de tensions dues à la construction par l'Egypte d'un mur entre la péninsule du Sinaï et la bande de Gaza, et le meurtre d'un policier égyptien par des tireurs palestiniens, il y a deux mois. L'Égypte bloque également de plus en plus l'entrée des délégations arabes et musulmanes dans la bande de Gaza. (Guysen News)

     


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  •  Vendredi 12 mars 2010 à 06:26

    Dans une interview à la chaîne palestinienne Future News à Ramallah, ce jeudi soir, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a demandé un désarmement palestinien total au Liban, hors et dans les camps, considérant que cet armement est une atteinte à la souveraineté libanaise. " Nous refusons catégoriquement une troisième résistance armée. Il est grand temps que le gouvernement libanais soit seul responsable de la sécurité de son peuple", a-t-il déclaré (Guysen News)

     


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  • Johann von Leers, alias Omar Amin, né le 25 janvier 1902 à Vietlübbe, en Allemagne, mort le 5 mars 1965 au Caire, en Égypte. Membre du parti national-socialiste et de la SS, protégé d’Alfred Rosenberg, il fut l'un des idéologues les plus importants du troisième Reich avant de travailler pour le Ministère égyptien de l'information. Devenu Omar Amin en Égypte après avoir été recruté par Gamal Abdel Nasser, qui le nommera responsable de la propagande anti-juive au Caire, Von Leers se convertira à l'islam au contact des Frères musulmans égyptiens. Von Leers devint un ami personnel du Mufti de Jérusalem.

    Le cas de Johann von Leers est exemplaire à ce sujet. Membre dirigeant de la NSDAP à la fin de 1929, colonel SS, rédacteur de Der Angriff, auteur de différentes études d'anthropologie, le professeur d'université von Leers fut l'intime collaborateur de Joseph Goebbels, lequel lui confia la direction du Nordische Welt, organe de la Société pour la préhistoire et la protohistoire germanique. Après dix-huit mois d'internement dans un Lager anglo-américain, Von Leers réussit à fuir en Argentine, où il dirigea un journal en langue allemande. A la chute de Perón en 1955, il se mit à l'abri en Égypte ; ici il se convertit à l'islam et prit le nom de Omar Amin. Von Leers organisa au Caire l'Institut de recherche sur le sionisme, dirigea des émissions radiophoniques écoutées dans tout le monde arabe, se chargea d'une importante collection de textes islamiques destinés au public allemand et donna vie à diverses initiatives éditoriales et de propagande. En Égypte, von Leers devint un ami proche de l’ancien Mufti de Jérusalem, Muhamad Hadj Amîn al-Husaynî.

    Johann von Leers fut très tôt un membre actif du parti nazi et en 1929, il était devenu l’un des protégés de Joseph Goebbels.

    En avril 1938, von Leers fut nommé professeur à l'université Friedrich-Schiller à Iéna. Il était spécialiste de "l’histoire juridique, économique et politique sur des bases raciales" (Rechts-, Wirtschafts- und politische Geschichte auf rassischer Grundlage). Il maîtrisait cinq langues : l'anglais, le français, l'espagnol, le hollandais, et le japonais. Dans sa jeunesse, il fut membre du mouvement nationaliste de la jeunesse Adler u. Falken (Aigles et Faucons), où il noua là des liens durables avec Heinrich Himmler.

    Von Leers était un membre actif du Mouvement allemand de la Foi, sous le patronage de Heinrich Himmler. Son objectif était de "libérer l'Allemagne de l'impérialisme judéo-chrétien" en créant, à sa place, une nouvelle religion païenne. Avec d’autres, il avait aussi été à l’origine d'un plan pour développer la race aryenne par la procréation. En compagnie d'un certain Friedrich Lamberty-Muck qui prêchait la polygamie, il fut l’inspirateur du projet Lebensborn, activement mis en application par Himmler.

    Von Leers était le spécialiste des affaires juives. Il fut l'un des propagandistes les plus radicaux de l’antisémitisme du Troisième Reich. Le philosophe juif, Emil Fackenheim, a expliqué que von Leers défendit une position selon laquelle "les États qui hébergent des juifs hébergent la peste, et le Reich a le devoir moral et le droit légal de conquérir ces pays parce qu’il doit aller jusqu’au bout de sa lutte sans merci pour éradiquer la peste."

    Von Leers possédait d’indéniables talents, qu'il a déployés pour asseoir les bases idéologiques de la collaboration du nazisme et de l’islam. Après la guerre, il a poursuivi son action en Égypte. Son travail fut considéré comme très positif, et a été pleinement soutenu.

    Jeffrey Herf signale qu'en décembre 1942, von Leers a publié, dans "Die Judenfrage", journal d’intellectuels antisémites, un article intitulé "Le judaïsme et l’islam face à face". Comme le titre l’indique, l'auteur adoptait une perspective hégélienne, et présentait le judaïsme et l’islam en termes de thèse et d'antithèse. Cet essai mettait également en lumière le point de vue nazi obséquieux, que von Leers projetait sur le passé de l’islam : « L'hostilité de Mahomet envers les juifs a eu une conséquence : les juifs d’Orient ont été totalement paralysés. Leur assise a été détruite. Le judaïsme oriental n'a pas réellement participé à l’extraordinaire montée en puissance du judaïsme européen au cours des deux derniers siècles. Repoussés dans la saleté des ruelles du mellah [dans les villes marocaines, c'est le quartier juif entouré de murs, analogue au ghetto européen], les juifs ont mené là une vie misérable. Ils ont vécu sous une loi spéciale, celle d'une minorité protégée, qui contrairement à l'Europe ne leur permettait pas de pratiquer l'usure ni même le trafic de marchandises volées, les maintenant dans l’oppression et l’angoisse. Si le reste du monde avait adopté une politique semblable, nous n'aurions pas de question juive (Judenfrage)... En fait, en tant que religion, l’islam a rendu un service éternel au monde : il a empêché la conquête menaçante de l'Arabie par les juifs. Il a vaincu, grâce à une religion pure, le monstrueux enseignement de Jéhovah. C'est ce qui a ouvert à de nombreux peuples la voie vers une culture supérieure... »

    Parmi ceux qui devinrent musulmans et qui exercèrent des fonctions d'un certain niveau dans l'Etat égyptien, citons : Joachim Daeumling, ex-chef de la Gestapo de Düsseldorf, qui réorganisa les forces de police en Egypte sous la responsabilité d'Otto Skorzeny; William Boeckler (Abd el-Karîm), ex-capitaine de la Gestapo, qui assuma une charge au service d'information; l'ex-SS Wilhem Berner qui entraîna les fedayin palestiniens ; l'ex-SS-Gruppenführer A Moser (Hasan Suleymâm), qui occupa un poste d’instructeur militaire; l'ex-commandant de la garde du corps de Hitler Léopold Gleim (an-Nâsir), qui alla former les cadres des services de sécurité ; Louis Heiden (al-Hâj), ex-membre de l'Office central de sécurité du Reich, qui traduisit Mein Kampf en arabe.

    Pour sa part, lors de sa rencontre avec Hitler, le 21 novembre 1941, et dans ses émissions de radio, l'ancien mufti de Jérusalem, Haj Amin Al-Husseini, affirmait que les juifs étaient les ennemis communs de l’islam et de l'Allemagne nazie . L'ancien mufti fit de fréquents déplacements dans les Balkans pour y encourager les unités musulmanes SS. Les radios de l’Axe ont fidèlement rendu compte de ces visites. Au cours de son émission du 21 janvier 1944, Haj Amin soulignait : « Le Reich mène le combat contre les mêmes ennemis, ceux qui ont spolié les musulmans de leurs pays et anéanti leur foi religieuse, en Asie, en Afrique et Europe... Le national-socialisme allemand lutte contre les juifs partout dans le monde. Comme le dit le Coran: "Tu apprendras que les juifs sont les pires ennemis des musulmans". Les principes de l’islam et du nazisme sont très proches, en particulier dans leur affirmation des valeurs du combat et de la fraternité d'armes, dans la prééminence du rôle du chef, dans l'idéal d'Ordre. Voila ce qui rapproche étroitement nos valeurs et facilite la coopération. Je suis heureux de voir, dans cette unité de musulmans SS, la mise en pratique indiscutable de nos deux visions du monde ».

    Von Leers a contribué financièrement à la publication d'une édition arabe des Protocoles des Sages de Sion. Il a organisé la diffusion d’émissions de radio antisémites en plusieurs langues, encouragé les mouvements néo-nazis dans le monde entier, et entretenu une correspondance chaleureuse avec les premiers négationnistes, dont Paul Rassinier.

    En plus de ses obligations professionnelles quotidiennes, Johann von Leers était actif au titre de « contact pour l'organisation des anciens membres des SS (ODESSA) en territoire arabe ». Et ce fut son ami, Haj Amin Al-Husseini, qui lui trouva un poste de conseiller politique au Ministère égyptien de l'information. Dans son discours de bienvenue au Caire, l'ancien mufti déclara à l’adresse de von Leers : « Nous vous remercions de prendre part à la bataille contre les forces du Mal incarnées par les Juifs du monde entier. » . (Wikipedia)

     


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  • Adolf Eichmann (Solingen 19 mars 1906 – Jérusalem  31 mai 1962) est un fonctionnaire de haut rang de l'Allemagne nazie et un membre des SS  (Schutzstaffel) au rang d'Obersturmbannführer (lieutenant-colonel). Il fut responsable de la logistique de la solution finale (Endlösung). Il organisa notamment l'identification des victimes de la solution finale et leur déportation vers les camps de concentration.

     

    Jeunesse

    Né le 19 mars 1906 à Solingen en Allemagne, Adolf Eichmann est le fils d’un industriel et homme d’affaires, Adolf Karl Eichmann, et de Maria née Schefferling. En 1914, après la mort de Maria, la famille Eichmann déménage à Linz en Autriche. Durant la Première Guerre mondiale, le père d’Eichmann sert dans l'armée austro-hongroise. À la fin de la guerre, il retourne à Linz et reprend les rênes de l’affaire familiale. Le jeune Eichmann quitte l’école (Realschule) sans diplôme et débute l’apprentissage de la mécanique qu’il abandonnera également. En 1923, il commence à travailler pour la compagnie minière de son père. De 1925 à 1927, il travaille comme vendeur pour Oberösterreichische Elektrobau AG, ensuite il travaille comme agent régional de la Vacuum Oil Company AG, une filiale de la Standard Oil jusqu’au printemps 1933 où il retourne en Allemagne.

    Adolf Eichmann épouse Vera Liebl le 21 mars 1935. Le couple aura quatre fils, Klaus, né en 1936 à Berlin, Horst Adolf né en 1940 à Vienne, Dieter Helmut né en 1942 à Prague, et Ricardo Francisco né en 1955 à Buenos Aires.

    Il a ses premiers contacts avec le parti nazi lorsqu'il rejoint le mouvement des Wandervogel, classé de nos jours dans le courant idéologique de l'anarchisme de droite, qui entretient des relations troubles avec le milieu antisémite. À 26 ans, en 1932, il est invité avec son père à une réunion du parti nazi autrichien, sur l'invitation d'Ernst Kaltenbrunner, un vieil ami de la famille. Fortement impressionné, cet épisode déterminera l'engagement de Eichmann dans le national-socialisme.

     

    Du NSDAP à la SS

    Suivant le conseil d'Ernst Kaltenbrunner, Eichmann rejoint la SS autrichienne le 1er avril 1932 en qualité de SS-Anwärter. Il est pleinement intégré à la SS en novembre comme SS-Mann sous le matricule 45326. Il sert alors à mi-temps dans la Allgemeine-SS  de Salzburg.

    Quand, en 1933, les nazis accèdent au pouvoir, Eichmann revient en Allemagne et demande son intégration à plein temps dans la SS, qui est acceptée, et en novembre il est promu Scharführer et intégré à l'équipe d'administration du camp de concentration de Dachau.

    En 1934, il choisit de faire une carrière dans la SS demande son transfert dans la Sicherheitspolizei qui commence à devenir une organisation puissante et crainte. Il y est effectivement transféré en novembre et est promu Oberscharführer. Il est alors assigné au centre de commandement des Sicherheitsdienst (SD) à Berlin où il est rapidement remarqué par ses supérieurs qui le promeuvent encore au rang de Hauptscharführer en 1935 puis à celui de SS-Untersturmführer en 1937.

    Cette même année, il est envoyé avec son supérieur Herbert Hagen en Palestine, alors sous mandat britannique, pour étudier la possibilité d'une émigration massive des Juifs allemands vers cette contrée. Ils débarquent à Haifa, mais n'obtenant qu'un visa de transit, ils vont jusqu'au Caire où ils rencontrent un membre de la Haganah, mais le sujet de la discussion est encore de nos jours mal connu. Les rencontres qu'ils avaient prévues avec les chefs arabes ne purent avoir lieu du fait de l'interdiction de territoire palestinien. Dans leur rapport ils déconseillèrent une émigration à grande échelle des Juifs allemands autant pour des raisons économiques que pour ne pas contredire la politique du Reich qui préconisait de ne pas laisser un État juif se créer en Palestine.

    En 1938, après l’Anschluss, Eichmann est envoyé en Autriche pour organiser les forces de sécurité SS à Vienne. Pour cette action il est promu SS-Obersturmführer. À la fin de cette même année il est désigné par le commandement SS pour former le Zentralstelle für jüdische Auswanderung, le bureau central pour l'émigration juive, qui a la charge de déporter et d'expulser les Juifs d'Autriche. Pour cette tâche, il étudie le judaïsme qui le fascine et il développe alors un profond antisémitisme.

     

    Les années de guerre

    Au début de la Seconde Guerre mondiale, Eichmann est promu SS-Hauptsturmführer et s'est fait un nom au bureau de l'émigration juive. Il s'y est fait de nombreux contacts avec les leaders du mouvement sioniste  avec lesquels il travaille pour accélérer l'émigration juive depuis le Reich.

    Eichmann retourne à Berlin en 1939 après la formation du Bureau central de sécurité du Reich (RSHA). En décembre 1939, il est désigné à la tête du RSHA Referat IV B4, la section du RSHA qui s'occupe des affaires juives et de l'évacuation. En août 1940, il publie le Reichssicherheitshauptamt: Madagaskar Projekt qui prévoyait la déportation de l'ensemble de la population juive d'Europe dans la colonie française de Madagascar. C'est alors qu'il obtient le grade de SS-Sturmbannführer et un an plus tard il accède à celui de Obersturmbannführer.

    En 1942, Reinhard Heydrich invite Eichmann à participer à la conférence de Wannsee où l'Allemagne nazie décide de la solution finale et Eichmann est nommé « administrateur du transport ». Il a la charge de tous les trains qui transportent les Juifs vers les camps de la mort en Pologne. Durant les deux années suivantes, Eichmann assume son rôle avec zèle et déclare qu'il rirait « en sautant dans [s]a tombe, car j'ai le sentiment d'avoir tué cinq millions de Juifs. Voilà qui me donne beaucoup de satisfaction et de plaisir[1]. »

    Son travail est remarqué et, en 1944, il est nommé en Hongrie pour organiser la déportation des Juifs et il envoie 400 000 Juifs Hongrois dans les chambres à gaz nazies.

    En 1945, Heinrich Himmler, ministre de l'intérieur et Reichsführer SS, ordonne l'arrêt des exterminations et la destruction des preuves de la solution finale. Eichmann refuse les ordres et continue à déporter et à assassiner les Hongrois. Il s'efforce aussi d'éviter d'intégrer les unités combattantes, ayant été nommé un an auparavant Untersturmführer de réserve de la Waffen-SS.

    Eichmann fuit l'avancée soviétique et rejoint l'Autriche où il retrouve Ernst Kaltenbrunner.

     

    Après la guerre

    À la fin de la guerre, Eichmann est capturé par l'armée américaine à qui il se présente comme « Otto Eckmann ». Début 1946, il s'échappe des prisons américaines et se cache en Allemagne durant plusieurs années. En 1948, il obtient un permis de séjour en Argentine, mais ne l'utilise pas immédiatement. En 1950, il arrive en Italie  et prend un nouvel alias, Ricardo Klement, qu'il ne changera plus jusqu'à sa capture. Avec l'aide d'un moine franciscain qui fréquente Alois Hudal, il obtient le 1er juin 1950 un passeport humanitaire de la Croix-Rouge internationale ainsi qu'un visa argentin[2]. Le 14 juillet 1950, Eichmann débarque à Buenos Aires où il exercera différents métiers manuels. Il fait aussi venir avec lui sa femme et ses deux fils. Il aura un troisième fils, Ricardo Francisco Eichmann, après que son épouse l'eut rejoint dans la banlieue de Buenos Aires.

    La capture

    Durant les années 1950, de nombreux juifs s'emploient à retrouver les criminels nazis en fuite, et Eichmann fait partie des premiers sur la liste. Des documents déclassifiés montrent que le gouvernement ouest-allemand ainsi que la CIA connaissent, dès 1952 (1958 pour la CIA), le pseudonyme sous lequel se cache Eichmann (Klement), mais ne le révèlent pas pour raisons d'État. Il semble que la crainte ait été que Eichmann dénonce Hans Globke, alors membre du gouvernement du chancelier Konrad Adenauer[3]. Simon Wiesenthal, un de ces chasseurs de nazis, rencontre, lors d'une réunion philatélique, un ami autrichien, baron, qui, par hasard, en lui montrant sa collection, lui confie avoir conservé cette carte postale d'un de ses contacts en Argentine, bien connue à l'époque pour abriter de nombreux anciens responsables nazis, qui dit avoir vu « ce sale porc d'Eichmann » ayant "régné" sur les Juifs et qui contient des informations plus précises : « Il vit à Buenos Aires et travaille pour la société des eaux ». Il semble que ces informations (entre autres) recueillies par Wiesenthal permirent aux Israéliens de localiser Eichmann en Argentine. Il existe cependant une controverse concernant le rôle exact de Wiesenthal depuis que le Jerusalem Post a révélé dans son édition du 7 mai 1991  l'existence d'un manuscrit non publié d'Isser Harel, dirigeant du Mossad lors de la capture d'Eichmann, qui sous-entend que les agissements de Wiesenthal auraient failli compromettre l'enlèvement d'Eichmann et empêché celui de Joseph Mengele.

    L'autre acteur principal de la chasse lancée contre Eichmann est Lothar Hermann, un rescapé de Dachau, qui émigre en Argentine dans les années 1950 avec toute sa famille. Or, sa fille Sylvia entretient une relation avec Klaus, le fils aîné d'Eichmann. Les remarques de Klaus concernant le passé nazi de son père, ainsi que la lecture en 1957 d'un article concernant les criminels nazis réfugiés en Argentine (dont Eichmann), mettent Hermann sur la voie. Il envoie alors sa fille enquêter chez les Eichmann (qui se font encore appeler Klement), et elle obtient de la bouche même d'Adolf la confirmation des soupçons de son père. Celui-ci prévient Fritz Bauer, le procureur de la Hesse. Bauer n'ayant pas confiance en la justice allemande qui compte encore de nombreux ex-nazis dans ses rangs, prévient directement les autorités israéliennes qui prennent contact avec Hermann. Le Mossad localise alors précisément Eichmann et, grâce aux indications de Hermann qui continue à le surveiller, il échafaude un plan d'enlèvement. Le gouvernement israélien approuve finalement en 1960 ce plan qui est exécuté peu après.

    Eichmann est enlevé en pleine rue par une équipe d'agents du Mossad le 11 mai 1960 et, le 21, il est transporté jusqu'en Israël à partir d'un aéroport militaire argentin. Pour l'anecdote, à l'entrée de la base, un barrage militaire les attendait. Afin qu'Eichmann ne dévoile pas aux soldats argentins qu'il venait d'être enlevé, il fut revêtu d'un uniforme israélien et on le força à boire une bouteille de whisky entière. Rafi Eitan (chargé de l'opération) et ses hommes s'aspergèrent de whisky. À l'entrée de la base, les soldats argentins arrêtèrent l'automobile et se moquèrent des Israéliens incapables de tenir l'alcool. Cette action, contrevenant aux lois internationales, soulève la colère des autorités argentines.

    Le gouvernement israélien nie tout d'abord être impliqué dans cet enlèvement et prétend qu'il est le fait de volontaires civils juifs chasseurs de nazis. David Ben Gourion, alors Premier ministre, annonce la capture d'Eichmann à la Knesset le 23 mai 1960. Cette annonce est acclamée debout par les députés présents. Pour connaître les détails de la capture d'Eichmann, on peut se reporter à l'ouvrage d'Isser Harel La Maison de la rue Garibaldi.

    Le procès Eichmann

    Eichmann comparaît à Jérusalem  pour quinze chefs d'accusation le 11 avril 1961. On peut regrouper les chefs d'accusation en quatre catégories :

        * crimes contre le peuple juif (chefs d’inculpation 1-4) ;

        * crimes contre l’humanité (5-7, 9-12) ;

        * crimes de guerre (8) ;

        * participation à une organisation hostile (13-15).

    Exceptionnellement, ce procès fut présidé par trois juges au lieu d'un jury comme le veut la procédure israélienne normale. De plus, le procureur n'est autre que Gideon Hausner, alors procureur général.

    Ce procès provoqua une controverse internationale et un émoi gigantesque. Les téléspectateurs du monde entier découvrirent en direct Eichmann dans une cage de verre blindée écoutant un interminable défilé de témoins décrivant son rôle dans le transport des victimes de la Shoah. La seule ligne de défense d'Eichmann était d'affirmer n'avoir rien fait d'autre que « suivre les ordres ».

    La détention de Eichmann durant toute la durée du procès, donna lieu à des mesures de sécurité draconiennes à la prison de Ramla, non loin de Tel Aviv (il avait auparavant passé les premiers temps de sa détention à la prison de Yagur, près de Haïfa). L'administration pénitentiaire voulant à tout prix éviter que le détenu ne se suicide ou soit assassiné par vengeance. 22 gardiens furent recrutés et on veilla à ce qu'aucun d'entre eux ne furent d'anciens déportés (ou qu'ils aient perdus leurs familles dans les camps). Eichmann disposait d'un « appartement » de cinq pièces, situé à l'étage d'une aile de la prison, auquel aucun gardien ashkénaze (donc susceptible d'être originaire d'Allemagne ou d'Europe de l'Est) n'était autorisé à monter. La nourriture du détenu et de ses gardiens arrivait à la prison dans des récipients scellés, afin d'éviter toute tentative d'empoisonnement, les plats d'Eichmann étaient même préalablement goûtés par ses geôliers avant qu'ils ne lui soient servis[4].

    Déclaré coupable pour tous les chefs d'inculpation, il est condamné à mort le 15 décembre 1961 et pendu par l'agent pénitentiaire Shalom Nagar peu après minuit le 1er juin 1962 dans la cour de la prison de Ramla. Il est l'un des deux seuls condamnés à mort à avoir été exécuté par Israël et le seul civil. En Israël, les infractions dont Eichmann a été accusé, avec la trahison, constituent les seuls crimes capitaux.

    On prétend que ses derniers mots furent : « Vive l'Allemagne. Vive l'Autriche. Vive l'Argentine. Ce sont les trois pays desquels je fus le plus proche et je ne les oublierai pas. Je devais obéir aux règles de la guerre et à mon drapeau. Je suis prêt » puis « Pourim 1946 ![5] », faisant sans doute référence à l'événement de Pourim. Pourtant, le bourreau d'Eichmann ne fait mention d'aucune parole[6]. D'après son souvenir : "Il n'y avait là qu'Eichmann et moi. Je me tenais à un mètre de lui et le regardai droit dans les yeux. Il refusa qu'on lui bande les yeux, et il portait encore aux pieds des pantoufles à carreaux ordinaires. J'ai tiré la manette et il est tombé en se balançant au bout de la corde". Il est vraisemblable qu'Eichmann n'ait prononcé aucune parole, car il a passé sa captivité à rédiger un document de 1 300 pages intitulé "False Gods"[réf. nécessaire] qui tenait lieu de dernières paroles et fut rendu public par les autorités israéliennes le 29 février 2000[7],[8].

    Son corps a été incinéré dans un four construit spécialement à cet effet et ses cendres dispersées dans la Méditerranée. La dispersion des cendres dans la mer fut l’une des dernières volontés d’Adolf Eichmann. Israël accepta la dispersion des cendres, mais uniquement au-delà des eaux territoriales de l’État hébreu, ceci afin d'éviter qu'elles ne le "souillassent".

    Le député de la Knesset (le parlement israëlien) Ivo Goldberg fit un long discours à l'assemblée le lendemain matin à ce sujet: « J'ai perdu ma mère, j'ai perdu mon père, j'ai perdu mes sœurs, j'ai perdu mes frères, j'ai perdu des tantes, j'ai perdu des oncles, j'ai perdu des amis il y a vingt ans. J'ai survécu aux camps avec la honte de m'en être sorti et pas eux. De ma famille et de mes amis, il ne me reste rien à part leurs souvenirs. Eichmann est mort. Et alors? Certes cela ne fera pas revenir ma famille, cela ne fera pas non plus revenir mes amis, mais au moins il a été jugé. Qu'il ait été pendu m'indiffère. Qu'il soit mort m'est égal. L'homme et le criminel ont été jugés et condamnés.

    J'étais dans le camp de Bergen-Belsen quand ce petit homme boiteux, rachitique et engoncé dans son uniforme avait inspecté le camp. Comme nous avions été avertis de sa visite, nous étions tous dehors à vouloir voir qui était ce Eichmann qui avait tant de haine contre nous. Je le vis marcher fièrement toisant les vieillards faméliques et regarder avec mépris les adolescents aux corps décharnés. Ce jour-là, j'étais à mille lieux de me douter que je reverrais cet homme moins de vingt ans plus tard dans une salle d'audience pour être jugé. De terrible bourreau actif et passif, il est devenu un simple citoyen banal pour reprendre l'expression d'Hannah Arendt. Eichmann est mort, mais le souvenir de nos frères de persécution ne doit pas pour autant l'être. Apprenons aux jeunes ce qui s'est passé pour qu'il n'y ait plus jamais d'autre Eichmann. ... »

    Le cas Eichmann

    Depuis plus de quarante ans qu'Eichmann est mort, les historiens n'ont cessé de spéculer sur sa vie et sur son action. La question la plus cruciale étant de définir sa responsabilité exacte dans la mise en œuvre de la solution finale. La plupart affirment qu'il savait exactement ce qu'il faisait et connaissait les conséquences de ses actes. Néanmoins, quelques-uns, dont son fils, estiment qu'il a été méjugé et qu'il ne faisait que son devoir de soldat allemand.

    Une troisième et très controversée analyse est faite notamment par Hannah Arendt, philosophe juive allemande exilée aux États-Unis lors de la montée du nazisme dans les années 1930 et qui a couvert le procès Eichmann pour le magazine The New Yorker. Dans son ouvrage Eichmann à Jérusalem qui compile ses chroniques de ce procès, Arendt conclut qu'Eichmann n'a montré ni antisémitisme ni troubles psychiques, et qu'il n'avait agi de la sorte durant la guerre que pour « faire carrière ». Elle le décrit comme étant la personnification même de la « banalité du mal », se basant sur le fait qu'au procès il n'a semblé ressentir ni culpabilité ni haine et présenté une personnalité tout ce qu'il y a de plus ordinaire. Elle élargit cette constatation à la plupart des criminels nazis, et ce quel que soit le rang dans la chaîne de commandement, chacun effectuant consciencieusement son travail de fonctionnaire ou de soldat plus préoccupé comme tout un chacun par son avancement que par les conséquences réelles du travail. Beaucoup allèrent plus loin dans ce raisonnement en affirmant que chacun, pour peu que les bonnes conditions soient réunies, les bons ordres, les bonnes incitations données au bon moment, peut commettre les crimes les plus odieux, mais Arendt elle-même refusa cette interprétation. À ce sujet, on pourra lire le livre du professeur Stanley Milgram : Obedience to Authority (Soumission à l'autorité).

    Une autre analyse, menée par Christophe Dejours, essaie de mettre en relation le cas Eichmann et le recours aux stratégies de défense dans la banalisation du mal. On pourra lire a cet égard : Souffrance en France, où Christophe Dejours compare également sa propre analyse avec les écrits de Arendt.

     

    Citations

    • « Les regrets ne font aucun bien, regretter des choses est inutile, les regrets, c'est bon pour les enfants. »
    • « J'ai fait mon devoir, conformément aux ordres. Et on ne m'a jamais reproché d'avoir manqué à mon devoir. »



    Bibliographie

        * Jonathan Littell, Les Bienveillantes, Gallimard, 2006

        * Gouri Haïm, Présence du Judaïsme LA CAGE DE VERRE (journal du procès Eichmann) Editions Albin Michel, 1964

        * Adolf Eichmann, Eichmann par Eichmann, éd. Grasset, 1971 (texte établi par Pierre Joffroy et Karin Königseder)

        * Gunther Anders, Nous, fils d'Eichmann, édition rivages poche, 1999

        * Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem. Rapport sur la banalité du mal, 1963 traduit de l'anglais par Anne Guérin; réédition Paris: Gallimard, 1991, 484 pages, (ISBN 2070326217)

        * David Cesarani, Becoming Eichmann, Da Capo press, 2006

        * Gideon Hausner, Justice à Jérusalemn, éd. Flammarion, 1976 (traduit de l'anglais par Pierre Javet)

        * Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, éd. Gallimard, coll. « Folio »-histoire, 2006, trois volumes

        * Harry Mulisch: L'Affaire 40/61. (traduit du néerlandais par Mireille Cohendy) Paris: Gallimard, 2003, 263 pages, (ISBN 2070767191)

        * Pierre de Villemarest, Le Dossier Saragosse : Martin Bormann et Gestapo-Müller après 1945, Paris, Charles Lavauzelle, 2002, 262 pages, (ISBN 2702505783)

        * Jochen von Lang, Eichmann : l'interrogatoire, Paris, Belfond, 1984, 312 pages, (ISBN 2714416462)

        * Tuviah Friedman Institute of Documentation Israel Adolf Eichmann - Lothar Hermann

        * Lothar Hermann ( Argentinien ) Korrespondenz by Tuviah Friedman Germany National Bibliothek

        * The Blind man who discovered Adolf Eichmann in Argentinien 69 Document

        * Isser Harel attacks Simon Wiesenthal 31 Document

        * Michel Onfray, "Le Songe d'Eichmann", éd Gallilée

        * 1957 reported Lothar Hermann ( Argentinien ) Adolf Eichmann alias Francisco Schmidt to General Justiz Fritz Bauer

        * 1958 CIA-Akte Ricardo Clemens

        * 1959 ( Dezember ) Fritz Bauer said Eichmann -- Kuwait -- Press-Archiv International H.Sch.

        * Simon Wiesenthal - Tuviah Friedman Korrespondenz by Germany National Bibliothek

        * Simon Wiesenthal no Role captured Adolf Eichmann

     

    Filmographie

        * Documentaire sur DVD : Les Dossiers secrets du nazisme

        * Le procès Eichmann à Jérusalem a fait l'objet d'un film documentaire nommé : Un spécialiste (éditions Montparnasse). Le film fut réalisé à partir d'un fonds de 350 heures d'images d'époque.

        * L'homme qui a capturé Eichmann, téléfilm de William A. Graham réalisé en 1996 avec Robert Duvall sur la capture d'Adolf Eichmann. Le film relate les préparatifs de l'enlèvement d'Eichmann à Buenos Aires en 1960, et les quelques jours qui ont précédé son transfert vers Israël, gardé secrètement par des agents du Mossad. Le film en profite pour faire exprimer à Adolf Eichmann son absence de regret et son statut de simple exécutant des ordres et "de la loi".

        * Conspiracy, téléfilm de Frank Pierson réalisé en 2001 sur la conférence de Wannsee, dans lequel Eichmann est interprété par Stanley Tucci (Reinhard Heydrich y est interprété par Kenneth Brannagh et Wilhelm Stuckart par Colin Firth).

     

    Notes

       1. ↑  Cité dans Jacob Robinson, And the Crool Shall Be Made Straight: The Eichmann Trial, the Jewish Catastrophe and Hannah Arendt's Narrative, Philadelphie, Jewish Publication Society of America, 1965, repris dans Daniel Jonah Goldhagen, Le Devoir de morale, éd. du Seuil, 2003, p. 36 (traduit de l'anglais des États-Unis par William O. Desmond)

       2. ↑ Ce passeport, établi au nom de Riccardo Klement, né le 23 mai 1913 à Bolzano, dans le nord de l'Italie, a été retrouvé par hasard, et en bon état, dans les archives du tribunal fédéral de Buenos Aires en mai 2007. La juge Maria Servini de Cubria l'a transféré au Musée de l'Holocauste de Buenos Aires. (Le Monde 1er juin 2007 p.7).

       3. ↑ Washington connaissait le pseudo de Eichmann en 1958 mais n'a rien fait, Le Monde 6 juin 2006

       4. ↑ Récit de la détention et de l'exécution d'Eichmann par son bourreau Shalom Nagar [archive]

       5. ↑ Paru également dans France Soir image-in [archive]

       6. ↑ Interview du bourreau d'Eichmann par le magazine israëlien Mishpacha [archive], n° 33 du 24/11/2004.

       7. ↑ (en)Article du journal "The Independant [archive]", publié le 1er mars 2000, intitulé : "Eichmann: Last words of man who ensured the machinery of genocide worked like clockwork" (Eichmann: les derniers mots de celui qui affirmait que le génocide avait fonctionné comme une horloge) de Phil Reeves à Jerusalem [1] [archive]

       8. ↑ (en)Eichmann’s Memoirs (Excerpts) [archive] : mémoires d'Eichmann (Extraits)

     

     

    (Wikipedia)

     


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  • Après la Shoah, le Vatican et les "Alliés" ont aidé et protégé bon nombre de nazis (plusieurs milliers). Certains ont été aidés à fuir vers l'Amérique du Sud, d'autres vers le Moyen-Orient (en Egypte, en Irak et en Syrie). Ce qui a eu une influence déterminante sur la suite des évènements à l'encontre d'Israël. Des conséquences dont nous subissons aujourd'hui encore, les répercussions. Voici un petit aperçu de choses qui ne sont pas toujours connues du grand public :


    ALOI HUDAL

    En décembre 1944, le Secrétariat d'État du Vatican reçut la permission de désigner un représentant pour « visiter les internés civils germanophones en Italie », la tâche fut assignée à l’évêque catholique Alois Hudal, alors recteur du Pontifico Instituto Teutonico Santa Maria dell’Anima à Rome (un séminaire pour prêtres allemands et autrichiens), et Directeur Spirituel des Allemands résidant en Italie.

    Hudal se servit de cette position pour aider des criminels de guerre nazis à s’échapper. Parmi ces derniers figuraient Franz Stangl (commandant de Treblinka), Gustav Wagner (commandant de Sobibor), Alois Brunner (responsable du camp d’internement de Drancy près de Paris et en charge des déportations en Slovaquie à destination des camps de concentration allemands) et Adolf Eichmann (fonctionnaire de haut rang de l'Allemagne nazie et un membre des SS  (Schutzstaffel) au rang d'Obersturmbannführer (lieutenant-colonel), responsable de la logistique de la solution finale (Endlösung). Il organisa notamment l'identification des victimes de la solution finale et leur déportation vers les camps de concentration.) – un fait sur lequel il s’ouvrirait plus tard sans manifester de remords. D’autres Nazis cachés en Italie, s’adressèrent à Hudal lorsque son rôle dans l’aide aux fuyards fut connu des communautés nazies. Dans ses mémoires, Hudal écrivit au sujet de ses actions : "Je remercie Dieu qu’Il m’ait permis de visiter et de réconforter beaucoup de victimes dans leurs prisons et camps de concentration et de les avoir aidé à s’enfuir avec de faux papiers d’identité. (...) La guerre des Alliés contre l’Allemagne n’était pas une croisade, mais la rivalité des complexes économiques pour la victoire desquels ils avaient combattu. Ce prétendu business… utilisait des slogans tels que démocratie, race, liberté religieuse et christianisme comme appâts pour les masses. Toutes ces expériences furent la raison pour laquelle je sentis qu’il était de mon devoir après 1945 d’orienter mon travail de charité essentiellement vers les anciens Nazis et Fascistes, et plus particulièrement vers les soi-disant criminels de guerre. »

    Hudal fut le premier ecclésiastique catholique à organiser la mise en place de filières d’exfiltration. Aaron et Loftus affirment que Hudal fournissait aux nazis et aux fascistes de l’argent pour les aider à s’échapper et de faux documents incluant des papiers d’identité étaient délivrés par l’organisation du Vatican pour les réfugiés (Commissione Pontificia d’Assistenza).

    Ces documents du Vatican n'étaient pas des passeports mais permettaient d'en obtenir. Ils étaient, par exemple, utilisés afin d'obtenir un passeport de personne déplacée par la Croix Rouge Internationale (CRI), ce passeport permettait ensuite d'obtenir des visas. En principe, la CRI était censée effectuer des contrôles de vraisemblance sur les passeports des demandeurs, mais dans la pratique, la parole d’un représentant de l'église et particulièrement celle d’un évêque était considérée comme parole d’évangile.

    Selon des rapports déclassifiés des services de renseignement américains, Hudal ne fut pas le seul ecclésiastique apportant de l’aide au nazis à cette époque. Dans le rapport La Vista déclassifié en 1984, l’agent du Counter Intelligence Corps (CIC), Vincent La Vista, expliqua comment il avait facilement pu s’arranger pour que deux faux réfugiés hongrois puissent obtenir de faux documents du CRI au moyen d’une lettre rédigée par le Père Joseph Gallov. Gallov, qui gérait un organisme charitable, soutenu par le Vatican, au profit des réfugiés hongrois, écrivit une lettre à son « contact personnel à la Croix Rouge Internationale qui délivra alors les passeports » sans poser la moindre question.

     

    LA FILIERE SAN GIROLAMO

     

    La principale filière d’exfiltration nazie était gérée par un influent réseau de prêtres croates, membres de l’ordre des Franciscains, sous la direction du Père Krunoslav Draganović.

    Ce dernier avait organisé une filière très sophistiquée, dont le quartier général au séminaire San Girolamo degli Illirici à Rome, mais qui disposait de liens à partir de l’Autriche jusqu’au point final d’embarquement à Gênes. Au début, la filière se concentra sur l’aide aux membres du mouvement fasciste croate Oustachi.

    Aarons et Loftus précisent que les prêtres actifs dans la chaîne comprenaient le frère Vilim Cecelja, ancien Vicaire militaire détaché aux Oustachis, basé en Autriche où beaucoup de réfugiés Nazis et Oustachis restaient cachés, le frère Dragutin Kamber, basé à San Girolamo; le frère Dominic Mandic, dont on dit qu’il était un représentant officiel du Vatican à San Girolamo et aussi « Economiste Général » ou trésorier de l’ordre des Franciscains.

    Cecelja prenait contact avec ceux qui se cachaient en Autriche et les aidait à franchir la frontière italienne; Kamber, Mandic et Draganovic leur trouvaient un logement, souvent à l'intérieur même du monastère, pendant qu’ils se chargeaient de réunir les papiers nécessaires; Et pour finir, Draganovic téléphonait à Petranovic à Gênes pour lui communiquer le nombre de couchettes nécessaires sur des bateaux en partance pour l’Amérique du Sud .

    Les opérations de la filière Draganovic étaient un secret de polichinelle au sein de la communauté du renseignement et des cercles diplomatiques de Rome.

    Si les officiers des services de renseignement américains, au début, avaient été plutôt de simples observateurs de la filière Draganovic, cette situation allait bien vite changer dès l’été 1947.

    Article du Nouvel Observateur du 28 janvier 2004:

    "Quand l'Amérique Recrutait Des Officiers SS

     

    Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis savent qu'ils devront bientôt affronter le communisme en passe de conquérir la moitié de l'Europe. Dans cette nouvelle lutte à mort, tous les coups sont permis. Même le recours aux organisateurs de l'Holocauste. On savait que les relations entre les services secrets américains et l'appareil nazi étaient troubles. En scrutant les archives récemment ouvertes aux États-Unis,Vincent Jauvert a découvert l'incroyable ampleur de cette alliance contre nature : celle qui a conduit les hommes de Roosevelt et Truman, pour combattre Staline, à recruter les pires criminels de Hitler.

    Le février 1954, un officier du contre-espionnage de l'armée américaine écrit à propos d'un citoyen autrichien, un certain Hermann Höfle : " Le sujet est ponctuel et courtois. Il pourrait être pour nous un agent fiable (…) malgré son passé dans la SS et la Gestapo… " Dans la note adressée à ses supérieurs du CIC (Counter Intelligence Corps), l'Américain ne livre aucun détail sur le passé de ce Höfle, comme si cela n'était pas important. Pourtant, grâce aux archives biographiques des SS récupérées par l'US Army en 1945, il sait que sa future recrue, cet homme si " ponctuel et courtois ", fut l'un des pires bourreaux nazis – un des maîtres d'œuvre de l'Holocauste.

    En 1942, l'officier supérieur SS Hermann Höfle était en effet commandant adjoint de l'opération Reinhard : l'extermination de tous les juifs vivant en Pologne occupée. C'est Höfle qui a organisé le planning des déportations des juifs de Varsovie, Lublin, Radom, Cracovie et Lvov. C'est Höfle qui a supervisé la construction des camps de la mort de Sobibor, Treblinka et Belzec. C'est Höfle qui y a fait installer des chambres à gaz et des fours crématoires. Et c'est cet homme, poursuivi par la justice polonaise et qui a réussi à fuir pendant douze ans, que le CIC décide, en février 1954, de recruter sous le faux nom de Hans Hartman, moyennant un salaire de 100 deutschemarks par mois.

    La carrière américaine du nazi Höfle ne durera pas. Dès juin 1954, il sera remercié, non pas à cause de son passé mais parce que son rendement d'espion n'est pas bon. Relâché, seul, dans la nature, l'ancien SS sera finalement arrêté pour crimes de guerre en 1961 et se suicidera dans une prison de Vienne, avant d'avoir été jugé – et d'avoir révélé ses relations particulières avec le contre-espionnage de l'US Army.

    Combien de criminels nazis ont-ils été ainsi recrutés par les services secrets américains dans les années d'après-guerre ? Combien ont été aussi protégés, soustraits aux justices européennes et envoyés en Amérique du Sud par ces mêmes services ? Il y a eu, on le sait, Klaus Barbie (voir encadré ci-dessus), le chef de la Gestapo de Lyon, devenu agent du CIC de 1947 à 1951 en Bavière et " exfiltré " vers la Colombie afin qu'il échappe à la justice française. Quels sont les autres Barbie ?

    Pendant la guerre froide, les États-Unis n'ont jamais voulu répondre à ces questions (à part, contraints et forcés, sur Barbie). Ils entendaient couvrir les officiers impliqués, préserver l'image des libérateurs de l'Europe et, avant tout, priver Moscou d'un thème de propagande.

    Depuis la chute du mur de Berlin, Washington a commencé, sous la pression de multiples ONG et parlementaires, à reconnaître ses liens passés avec des serviteurs du Reich. En 1990, la CIA a ouvert les dossiers de l'opération secrète Paperclip, le recrutement de centaines de scientifiques allemands (dont Wernher von Braun, le père des V2 et du programme spatial américain). Bill Clinton est allé plus loin. En 1998, il fait voter une loi contraignant toutes les administrations, y compris les services secrets, à ouvrir l'ensemble de leurs archives sur les criminels de guerre nazis. L'opération doit être terminée en 2003.

    Des milliers de documents ont été rendus publics cette année. Certains mettent fin à de vieilles rumeurs concernant la prétendue collaboration de nazis célèbres avec la CIA. En particulier, il apparaît que le chef de la Gestapo, Heinrich Müller, qui a disparu quelques jours avant la capitulation du Reich, et dont la propagande soviétique avait fait un agent américain, n'a jamais été un collaborateur de la CIA, et qu'au contraire celle-ci a multiplié les efforts pour retrouver le criminel – en vain : Müller étant probablement mort dès mai 1945.

    D'autres découvertes dans les archives sont beaucoup moins flatteuses pour la CIA et ses prédécesseurs. Elles sont même atterrantes. Il s'agit du nombre de tortionnaires enrôlés, en parfaite connaissance de cause, par les services secrets de Washington. " Au total, il y eut au moins plusieurs dizaines de cas et peut-être plus de cent ", explique l'historien Richard Breitman, qui prépare un rapport sur le sujet pour le Congrès.

    Les premiers recrutements d'officiers allemands par les organes de renseignement de l'US Army commencent pendant la débâcle de la Wehrmacht au printemps 1945. L'armée américaine veut empêcher les dignitaires du Reich de fuir, et d'emporter leurs butins dans leur cavale. Des SS ou des hommes de la Gestapo vont dénoncer leurs anciens maîtres, révéler leur planque. À cette époque, cette compromission avec des nazis embarrasse quelques officiers traitants américains. L'un d'eux écrit en avril 1945 à propos d'une recrue : " X] est, évidemment, un homme dangereux (…). Pour éviter que l'on nous accuse de travailler avec un nazi réactionnaire , je crois que nous devons avoir avec cette source des contacts aussi indirects que possible ".

    Mais, en quelques mois, l'atmosphère change radicalement. C'est le début de la guerre froide. L'ennemi n'est plus l'Allemand défait mais l'ancien allié soviétique qui installe sa dictature dans les zones qu'il occupe et menace d'accroître ses conquêtes territoriales, vers l'Ouest. Dès le 1er mars 1946, le CIC décrète que la " cible principale " est désormais l'Union soviétique. Il lui faut connaître l'ordre de bataille de l'Armée rouge et du NKVD (l'ancêtre du KGB), la biographie de leurs responsables et leurs intentions. Il doit aussi infiltrer les partis communistes européens, chevaux de Troie de Moscou. Mais, sur ses alliés d'hier, le contre-espionnage américain est totalement démuni : il n'a ni informations ni informateurs. Les nazis ont dix ans d'avance. Depuis les années 1930, les espions du Reich ont tissé de vastes réseaux d'agents en terres staliniennes, ils ont constitué des milliers de dossiers. Les Américains décident de les enrôler en masse.

    L'un des responsables du CIC pour l' Europe, Richard Helms – qui deviendra patron de la CIA à la fin des années 1960 – écrit dans un mémorandum de septembre 1946 : " Il est de la plus urgente priorité de découvrir (…) tous ceux qui ont une expérience en matière de renseignement concernant la Russie et ceux qui pourront continuer ce même travail pour nous ". Dans cette note, Helms n'exclut personne, ni les nazis ni les SS, quel que soit leur passé.

    Les officiers allemands qui vont collaborer avec les Américains contre l'Union Soviétique ne sont pas tous des criminels de guerre. Ainsi, les anciens de l'Abwehr – le service de renseignement de l'armée allemande – ont souvent été des ennemis acharnés des SS, parfois même des opposants déclarés du régime. Ils n'ont, en général, pas participé directement aux massacres de civils (qu'ils ont néanmoins laissé faire). Le plus célèbre d'entre eux est le général Reinhard Gehlen, qui a dirigé l'Abwehr sur le front de l'Est et qui mettra son organisation au service des Américains dès juillet 1945, avant de devenir en 1956 le patron fondateur du BND (le service secret de l'Allemagne de l'Ouest) (voir encadré p. 23).

    Était-ce immoral de recruter ces Allemands-là, plus " propres " que beaucoup d'autres et si utiles dans la guerre secrète contre l'armée stalinienne ? Peut-être pas au tout début mais, d'après les archives, les Américains se sont vite aperçus que les réseaux utilisés par ces anciens de l'Abwehr, et réactivés au profit de l'US Army, comprenaient beaucoup d'ex-membres de la SS et de la Gestapo. Et ils n'ont pas fait grand-chose pour mettre un terme à ces collaborations déshonorantes (voir encadré).

    Le CIC a donc aussi recruté lui-même bon nombre de barbares, de tortionnaires, en n'ignorant rien de leur passé. Ainsi, le docteur Emil Augsburg, alias Alberti, alias Althaus, qui est enrôlé le 1er mai 1947. Sa fiche signalétique le décrit comme un homme grand (1,85 mètre), " albinos, qui fume énormément ". Il est présenté par ses officiers traitants comme un intellectuel " honnête, idéaliste, qui aime le vin et la bonne chère ", "un excellent scientifique antisoviétique " et " sans préjugés ". On ajoute qu'il était membre du parti nazi et capitaine SS. Pourquoi est-il recruté ? Parce qu'il est l'un des meilleurs experts du monde communiste. Il a dirigé l'institut Wannsee de Berlin, qui menait des études sur l'Europe orientale au profit du service d'espionnage des SS. Il a eu accès à tous les renseignements recueillis par les agents du Reich en Union soviétique. C'est une perle rare de l'antistalinisme.

    Mais la fiche mentionne aussi qu'Emil Augsburg est recherché pour crimes de guerre par la Pologne. Avant de rejoindre l'institut Wannsee, le bon docteur a fait partie, en 1940 et 1941, d'un Einsatz Kommando, qui menait en Pologne et en Russie des opérations dites " spéciales " : le massacre de juifs et autres personnes jugées indésirables par les nazis.

    Malgré ce terrifiant passé qu'elle connaît, l'US Army ne livrera pas Emil Augsburg à la justice polonaise. Et l'assassin travaillera pour les services américains jusqu'en 1956 (en dépit des réserves de son premier chef, un certain Klaus Barbie, qui craignait qu'Augsburg ne soit un agent double trahissant le CIC au profit des… Français). Finalement Augsburg rejoindra le BND qui l'emploiera pendant dix ans, jusqu'en 1966.

    Autre exemple de cette collusion si longtemps niée : le major SS Wilhelm Höttl recruté en 1948. Lui aussi fut un artisan zélé de la Shoah. À la fin de la guerre, il était le conseiller politique du représentant de Hitler à Budapest. En mai et juin 1944, il a participé à la déportation de 440000 juifs hongrois vers le camp d'Auschwitz. Arrêté en 1945 par les Américains, il témoigne au procès de Nuremberg. C'est lui qui livre le premier " chiffrage " de l'Holocauste. À la barre du tribunal, il déclare : " À la fin du mois d'août 1944, Eichmann m'a dit que, dans différents camps d'extermination, approximativement 4 millions de juifs ont été tués et que 2 autres millions ont été liquidés d'autres façons. Il a ajouté que ce chiffre était un secret d'État ".

    Confident d'Eichmann, cet Höttl est un monstre, mais c'est aussi un spécialiste de l'implantation communiste en Europe du Sud-Est. Il est donc libéré en 1947 par l'US Army et rejoint le bureau du CIC de Vienne. Son embauche ne fait pas l'unanimité parmi les officiers. L'un d'eux écrit dans une note : " Si elle venait à être révélée utilisation de Höttl serait incompréhensible pour tous les Allemands et Autrichiens "propres" ". Mais les manœuvres soviétiques balaient toutes réserves morales. En 1948, c'est le coup de Prague et le blocus de Berlin. Dans sa guerre de l'ombre contre Staline, Washington est prêt à employer n'importe qui, y compris un Wilhelm Höttl.

    à l'ancien major SS, le CIC de Vienne confie la direction de deux réseaux de renseignement. Le premier – nom de code “Mont Vermont” – est chargé d'espionner la zone d'occupation russe de l'Autriche. Il est composé d'une vingtaine de sources; parmi elles, “Edi” et “Walter”, deux anciens lieutenants SS. Le second réseau – nom de code “Montgomery” – doit infiltrer les forces russes installées en Hongrie. L'adjoint de Höttl pour cette opération est un Hongrois fanatique et tortionnaire, un certain Karoly Ney, qui a créé un détachement SS dans son pays. Il sera remplacé par autre ancien SS, Erich Kernmayer, qui a pris, pendant la guerre, la direction de journaux viennois " aryanisés " (spoliés à leurs propriétaires juifs).

    Höttl est remercié un an plus tard par le CIC pour mauvais résultats, mais il est réembauché sur-le-champ par la toute jeune CIA, via l'organisation du général Gehlen (voir encadré p. 23). De l'agence américaine, Höttl recevra 600 deutschemarks par mois jusqu'en 1954, avant que la CIA ne décide, à son tour, de se séparer de l'encombrant personnage, déclaré " escroc du renseignement ". Mais le criminel a des ressources. Pendant la guerre, il a volé de multiples biens " aryanisés ", notamment des bijoux. Grâce à une petite fortune ainsi accumulée, il montera une maison d'édition à Vienne, où il mourra en… 1997, sans jamais avoir été inquiété.

    Il y a d'autres cas nauséabonds. En décembre 1947, alors que les Occidentaux craignent de voir le Parti communiste prendre le pouvoir en Italie, le CIC confie à l'ancien major SS Karl Haas un réseau d'espionnage à Rome dont le nom de code est “Los Angeles”. Haas et ses agents ont pour mission d' " obtenir des informations sur les activités et les personnalités du PCI et établir la liste des éléments communistes les plus dangereux ". Qui sont les sources de Haas, stipendiées par l'armée américaine ? Des " dignitaires du Vatican " (dont le chef du service de presse), mais aussi deux anciens responsables de l'organisation chargée par Mussolini d'assassiner les antifascistes italiens ainsi que " des membres d'un mouvement néofasciste clandestin ".

    En 1948, le CIC de Rome envisage d'élargir ce réseau “Los Angeles” et d'installer un agent permanent à Palerme. Dans une note, un officier américain justifie ainsi ce projet : dans la capitale sicilienne, écrit-il, un " ancien du SD affirme être en contact direct avec le bandit Giuliano et sa bande. pourraient réaliser pour nous des missions spéciales clandestines [autrement dit, des meurtres]. Cela ne nous que coûterait 200 dollars par mois ". Giuliano a-t-il effectivement été enrôlé par le CIC ? Les archives ne le disent pas encore.

    De même, elles livrent peu de détails inédits sur la fuite des criminels de guerre en Amérique latine. Seule une note secrète de la CIA datée du 3 avril 1950 rapporte avec précision les conditions de vie des fuyards du IIIe Reich en Bolivie : " Entre 1200 et 1800 anciens nazis qui ont émigré vers l'Amérique du Sud après 1946, et quelques-unes de leurs épouses, vivent dans de petites implantations situées le long des vallées du rio Madidi et du rio Beni dans le nord-ouest de la Bolivie (…). Cette colonie s'étend sur environ 15 kilomètres sur les rives des deux fleuves ". Le mémo ajoute : " Chaque implantation possède au moins deux mitrailleuses (soit 500 au total), un nombre considérable d'armes légères de fabrication allemande et une grande quantité de munitions (…). Tous parlent très mal l'espagnol ".

    Combien ont été amenés dans cette colonie par les services américains? Mystère. Les dossiers déclassifiés n'apportent rien de neuf sur la fameuse opération Rat Line, l'exfiltration en Amérique latine de certains agents menacés, opération mise au jour, en 1983, dans un rapport explosif du ministère américain de la Justice décrivant les liens entre la CIA et Klaus Barbie. À part " le boucher de Lyon ", combien d'autres tortionnaires ont-ils bénéficié de ce canal clandestin, organisé, de Rome, par le prêtre oustachi Krunoslav Draganovitch (voir encadré) et financé par l'US Army ? On ne le saura sans doute jamais. Le principal " client " américain de la Rat Line, le major James Milano du CIC, a récemment publié ses Mémoires (Soldiers, Spies & the Rat Line, Brassey's, 1995). Il y explique que presque tous les documents liés à cette opération ont été volontairement détruits. Et, dans son livre, il ne décrit que des cas de " défecteurs " de l'armée soviétique passés à l'Ouest, puis envoyés, via la Rat Line, en Argentine. Il nie s'être occupé de nazis – à part Klaus Barbie. Dit-il la vérité ?

    Beaucoup de criminels de guerre ont fui grâce à l'autre fameux réseau d'exfiltration monté par d'anciens SS : Odessa. Y avait-il des liens entre les services américains et Odessa, comme cela a été souvent dit? Les documents désormais accessibles ne le disent pas. Mais tout n'est pas encore ouvert. " Sur certains sujets, la CIA traîne les pieds ", explique Richard Breitman. " Elle applique la loi de 1998 de manière restrictive. Nous essayons de la convaincre d'être plus transparente encore ".

    Quoi qu'il en soit, en ouvrant un grand nombre des dossiers secrets de la guerre froide, l'Amérique a montré sa face hideuse mais aussi son attachement à la transparence démocratique. Quelle autre nation ose mettre sur la place publique les preuves de ses compromissions ? Aucune. Ni la Grande-Bretagne, ni la Russie, ni… la France. Ces pays se sont-ils mieux comportés que les Etats-Unis ? Rien n'est moins sûr : le Sdece, le MI6 et le KGB ont, eux aussi, recruté bon nombre d'anciens SS et bourreaux de la Gestapo. Mais eux ne l'avouent pas. Il faut dire qu'à Paris, Londres et Moscou personne ne les y invite, ni les parlementaires ni les opinions publiques. En la matière, il y a un modèle américain."

     

    Entre 1948 et 1951 des milliers  de nazis rejoignirent l'Irak, la Syrie et surtout l'Égypte où ils ont mené des activités relatives à la politique et à la sécurité.

    L’historien Kurt Tauber a décrit, en 1967, la situation qui était celle de l’Egypte de Nasser : «… En plus des dons de la Gestapo et de la SS, il y avait aussi un grand besoin d’autres aptitudes sur le Nil. On nous dit que d’anciennes recrues de Goebbels, initialement sous la supervision du défunt Johann von Leers, jouent un rôle important dans l’appareil de propagande antijuif et antisioniste de Nasser. A ce propos, nous entendons les noms de Werner Witschale, du Baron von Harder, de Hans Appler et de Franz Buensche. Mais un passé d’agent de la Gestapo, de la SS et des services d’espionnage n’empêche pas d’accéder à des carrières attractives au ministère égyptien de la propagande. Walter Bollmann, chef nazi des services d’espionnage en Grande-Bretagne avant la guerre, et plus tard, commandant SS, a servi dans la lutte contre la guérilla et les opérations antijuives en Ukraine ; Louis Heiden, officier SS qui fut transféré au bureau de presse égyptien durant la guerre, Franz Bartel, "vieux combattant" et officier dans la Gestapo ; Werner Birgel, officier SS de Leipzig ; Albert Thielemann, dirigeant SS en Bohème ; Erich Bunz, Major dans la SA et expert dans la question juive ; et le capitaine SS Wilhelm Boeckler, qui participa à la liquidation du Ghetto de Varsovie – sont tous réputés s’être occupés de propagande antijuive pour le compte de Nasser… »

    A ce sujet, le cas de Johann von Leers est exemplaire. Membre dirigeant de la NSDAP à la fin de 1929, colonel SS, rédacteur de Der Angriff, auteur de différentes études d'anthropologie, le professeur d'université von Leers fut l'intime collaborateur de Joseph Goebbels, lequel lui confia la direction du Nordische Welt, organe de la Société pour la préhistoire et la protohistoire germanique. Après dix-huit mois d'internement dans un Lager anglo-américain, Von Leers réussit à fuir en Argentine où il dirigea un journal germanophone. A la chute de Péron, il se mit à l'abri en Égypte où il se convertit à l'islam et prit le nom de Omar Amin. Il créa, au Caire, l'Institut de recherche sur le sionisme, dirigea des émissions radiophoniques écoutées dans tout le monde arabe, prit en charge une importante collection de textes islamiques destinés au public allemand et donna vie à diverses initiatives éditoriales et de propagande. En Égypte, von Leers devint un ami proche de l’ancien Mufti de Jérusalem, Muhamad Hadj Amîn al-Husaynî.

    En Egypte, d'autres nazis, à part lui, devinrent musulmans et exercèrent des fonctions d'un certain niveau dans l'Etat égyptien. Entre autres exemples Joachim Daeumling, ex-chef de la Gestapo de Düsseldorf, qui réorganisa les forces de police en Egypte sous la responsabilité d'Otto Skorzeny (officier de commando allemand surtout connu pour ses missions audacieuses réalisées lors de la Seconde Guerre mondiale pour le compte d'Adolf Hitler), William Boeckler (Abd el-Karîm), ex-capitaine de la Gestapo, qui assuma une charge au service d'information, Wilhem Berner qui entraîna les fedayin palestiniens, Gruppenführer A Moser (Hasan Suleymâm), qui occupa un poste d’instructeur militaire, l'ex-commandant de la garde du corps de Hitler Léopold Gleim (an-Nâsir), qui alla former les cadres des services de sécurité, Louis Heiden (al-Hâj), ex-membre de l'Office central de sécurité du Reich, qui traduisit Mein Kampf en arabe.


     


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